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et campa à l’abri d’un terrain qui la protégeait contre l’artillerie des bastions. On était si près les uns des autres que les cris des sentinelles s’entendaient des deux parts, lorsqu’on les plaçait ou les relevait. Les artilleurs français et les couleuvriniers espagnols échangeaient des coups de feu des points les plus élevés de leur camp[1]. Les deux armées restèrent dans cette position durant trois semaines, sans que les impériaux pussent secourir Pavie, ainsi qu’ils en avaient eu le dessein, et sans que les Français l’obligeassent à se rendre, comme ils en avaient l’espérance et s’y attendaient à chaque instant. « Pavie s’en va perdue, écrivait déjà François Ier au commencement de février, s’ils ne la renforcent de quelque chose, et ils tournoyent autour pour la faire tenir jusqu’au dernier soupir, qui, je crois, ne sera pas long, car il y a plus d’un mois que ceux du dedans ne beuvent vin, ne mangèrent chair ni fromage[2]. » Les assiégés manquaient même de poudre. Il fallait que l’armée impériale secourût promptement la place pour l’empêcher de succomber et battît l’armée française pour la secourir. Si elle différait de combattre, elle était réduite à se dissoudre[3]. Elle avait épuisé ses vivres et ne pouvait plus rester sous les armes. C’était par un prodige d’habileté et encore plus d’ascendant que Pescara avait obtenu des Espagnols, Frundsberg des lansquenets, qu’ils tinssent campagne, sans recevoir leur solde, jusqu’à ce qu’on eût joint et vaincu l’ennemi. Il était urgent d’en arriver là. Les impériaux s’y préparèrent de longue main, et préludèrent à la grande bataille par une suite d’attaques hardies et d’entreprises heureuses.

De leur camp, où ils restèrent établis plus de deux semaines, ils firent pénétrer quelques secours dans Pavie par le côté de l’ouest, un peu dégarni depuis que François Ier l’avait quitté avec la masse de son armée. Antonio de Leyva avait surtout besoin de poudre. Le vice-roi, qu’il avertit de son état de détresse, fit partir dans la nuit du 7 au 8 février quarante cavaliers dont chacun portait un sac de poudre, et qui, après avoir tourné le parc, traversèrent des bois et parvinrent sans en être empêchés dans Pavie[4]. Dès lors Antonio de Leyva multiplia ses sorties, qu’il dirigea surtout contre les assiégeans laissés sur le flanc occidental de la ville et qu’il rendit très meurtrières pour eux. Il en fit une que les circonstances favorisèrent singulièrement et qui permit d’introduire des provisions et des bestiaux dans Pavie. François Ier avait pris à son service des Grisons qui campaient

  1. Lettre de Lannoy à L. de Praet, du 10 février 1525. — Dans Captivité, etc., p. 63.
  2. Lettre de François Ier a la régente sa mère, du 3 février 1525. — Dans Captivité, etc., p. 59.
  3. Pescara à Charles-Quint, Documentes ineditos, etc., t. IX, p. 482 et 483.
  4. Lettre de Lannoy à L. de Praet, du 10 février, dans Captivité, etc., p. 63. — Tœgius, à la même date.