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avec le roi de France tant que le roi de France conserverait une palme de terrain en Italie. Les offres de Clément VII, que Lannoy rejetait comme déshonorantes pour Charles-Quint, ne parurent pas même suffisantes à François Ier. Le dataire, qui passa plusieurs fois d’un camp à l’autre, s’était transporté auprès de lui. Il l’avait trouvé non moins exigeant qu’altier. Poussé par d’ambitieux désirs, croyant à sa force et comptant sur des succès, François Ier avait dit à l’envoyé du pape : « J’ai bon espoir d’occuper bientôt Pavie. Toutes mes mesures sont prises, mes provisions sont faites, et mes gens de guerre payés. J’attends le mois prochain 1,400,000 francs, et je fais venir de nouvelles troupes. Je n’ai point passé les Alpes de ma personne, et je ne suis pas de si petite prudence que d’être descendu en Italie avec trente mille bons piétons et d’être accompagné d’une flotte sur laquelle se trouvent six ou sept mille hommes de guerre pour m’arrêter. Je ne veux rien moins que tout l’état de Milan et le royaume de Naples[1]. »

L’incertain et embarrassé Clément VII, qui aspirait à devenir l’arbitre de l’Italie en réconciliant les deux adversaires et en obtenant le renvoi de leurs troupes, ne réussit ni auprès de l’un ni auprès de l’autre. Il ne parvint point à persuader Lannoy et à contenir François Ier. Lannoy essaya tout aussi vainement de ramener le pape à l’empereur en calmant ses craintes et en lui garantissant le maintien des Médicis dans Florence et l’inviolabilité des États-Romains. L’armée impériale, en ce moment affaiblie, allait, selon lui, redevenir puissante : dix mille lansquenets, qu’il avait demandés en Allemagne, étaient sur le point de la joindre. L’archiduc Ferdinand, venu tout exprès dans les gorges du Tyrol, préparait d’autres renforts, que devait accroître encore et conduire bientôt au camp impérial le duc de Bourbon, qui faisait des levées en Souabe. Clément VII ne croyait pas que l’armée de Charles-Quint fût en état de se soutenir dans la Haute-Italie, et il ne le désirait point. Ses victoires lui auraient encore moins convenu que ses revers, parce qu’elles auraient mis à la discrétion de l’empereur toute la péninsule, et l’auraient réduit lui-même à n’être que son chapelain. La politique et la crainte faisaient pencher Clément VII du côté de François Ier. Cependant, si le roi de France était en ce moment le plus fort en Italie, l’empereur pouvait le redevenir plus tard, et le cauteleux pontife avait intérêt à ne pas se brouiller irrévocablement avec lui. Il ménagea donc les deux adversaires qu’il n’avait pas convertis à ses projets : il resta l’allié inutile de l’un en devenant l’ami clandestin de l’autre. Il fit remettre mystérieusement

  1. Lettre de Lannoy à Charles-Quint du 10 novembre, d’après ce qu’a écrit le dataire Giberto à Bernardino de La Barba, qui l’a montré au vice-roi. — Arch. imp. et roy. de Vienne.