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que François Ier ne parvint pas mieux à surprendre par le sud qu’à enlever par l’est et par l’ouest.

Il s’obstina cependant à rester sous ses murailles, et il ne désespéra point de s’en rendre maître. À défaut de la force, il compta sur le temps, et il disposa tout pour réduire Pavie à capituler. Sans abandonner des attaques plus propres à fatiguer la garnison qu’à conduire dans la place, il changea le siège en blocus. Il se retrancha dans les positions qu’il occupait autour de Pavie et il accrut son armée, qui était déjà très nombreuse. Il demanda aux cantons suisses des troupes de plus, fit venir cinq mille Grisons, et prit à sa solde l’un des hommes de guerre les plus entreprenans, le fameux Jean de Médicis, chef des bandes noires italiennes. Jean de Médicis était un valeureux condottiere, ayant sous ses ordres trois mille soldats aguerris. Dans les campagnes précédentes, il avait utilement servi l’empereur, dont les généraux, soit négligence, soit défaut d’argent, ne l’avaient pas enrôlé cette fois. Il passa du service de Charles-Quint au service de François Ier, qui ne l’établit pas loin de lui, au camp de Pavie.

Les diverses parties de ce camp communiquaient entre elles pour s’entendre et au besoin s’assister. Des ponts jetés sur le Tessin en dessus et en dessous de Pavie conduisaient de l’île, où était Montmorency, au quartier du roi à San-Lanfranco et à celui de La Palisse à San-Giacomo. Par-delà le Tessin, l’armée, en relation avec le comté d’Asti et la Lomelline, recevait les vivres qui lui venaient des riches plaines du Piémont. Il y avait comme un immense marché et une foire perpétuelle dans le parc de Mirabello. Les troupes de François Ier avaient tout en abondance. Logées dans des églises et des abbayes, établies sous des tentes, occupant des huttes souterraines, livrées à un mouvement animé pendant le jour, éclairant la plaine de leurs feux durant la nuit, elles semblaient former une ville qui en ceignait circulairement une autre[1]. Malgré les rigueurs d’une saison très froide, elles attendaient patiemment que la place de Pavie, qui manqua bientôt de bois, de vivres, d’argent et de munitions, se rendît, faute de pouvoir payer les lansquenets, trouver à subsister et continuer à se défendre. Le roi ne doutait pas de l’avoir assez promptement à sa merci, et, pour mieux s’assurer la possession du Milanais, il avait donné l’ordre à sa flotte dans la Méditerranée, sur laquelle était Renzo da Ceri avec la garnison de Marseille, de se diriger vers le sud de l’Italie, afin de prendre part à une expédition qu’il préparait contre le royaume de Naples. Il comptait ainsi devenir bientôt le dominateur de la péninsule.

  1. Carpesanus, Commentarii, f. 1389, 1390.