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qu’il avait en Catalogne, ne pourvut pas avec assez de promptitude et de précision à leur passage ; il le promit de bonne heure, le commanda tard et ne le fit pas exécuter du tout. La lenteur espagnole s’étant ajoutée à la lenteur impériale, ces troupes, tant de fois réclamées et si absolument nécessaires, ne s’étaient pas encore mises en mouvement vers l’automne. Charles-Quint les contremanda, et crut que leur assistance serait utilement remplacée par l’envoi d’une nouvelle somme d’argent[1]. Après avoir tenu les cortès de Castille afin de se procurer une somme considérable, il avait le projet de se faire accorder aussi des subsides par les Aragonais, les Catalans et les Valenciens. Les Espagnols des divers royaumes s’intéressaient peu à ses entreprises extérieures, mais ils cédaient à ses volontés. La défaite des comuneros, les avait disposés à la soumission. Bien qu’ils ne comprissent point l’importance politique et qu’ils n’ambitionnassent pas la gloire onéreuse d’agrandissemens lointains, inutiles à leur sûreté et funestes à leurs droits, ils ne se refusaient pas à y concourir de leurs deniers et de leurs soldats.

Quant à Charles-Quint, il visait moins à déposséder François Ier de son royaume qu’à l’abattre sous des revers assez grands, pour le contraindre à la paix en renonçant à l’Italie et en cédant la Bourgogne. C’était en ce moment le but où tendaient ses efforts. Il avait dépêché à Rome, comme négociateur de la paix sous la médiation du pape, le seigneur de La Roche, qui y portait neuf projets aboutissant presque tous, par des combinaisons diverses, à rendre le duché de Milan indépendant de la France, et à faire rentrer le duché de Bourgogne sous la domination espagnole[2]. Il crut sans doute alors que le duc de Bourbon, en recevant l’argent nécessaire au paiement de l’armée, serait en état de s’emparer de Marseille, et, après avoir pris cette importante ville, de se maintenir dans sa conquête, d’où François Ier ne pourrait le débusquer que par une bataille qu’il ne livrerait point de peur d’y hasarder son royaume. L’échange postérieur de la Provence avec la Bourgogne l’aurait conduit à ses fins. Heureusement il négligea les moyens qui seuls lui auraient permis d’y parvenir.

Henri VIII avait été tenu jusque-là dans l’inaction par de timides conseils et de faux calculs que son ministre Wolsey avait crus profonds.

  1. Lettre de Charles-Quint au duc de Sessa du 1 octobre 1524. — Correspondance de Charles-Quint avec Adrien VI et le duc de Sessa, p. 209.
  2. Papiers de Simancas. — Série D, liasse 3, n° 54.