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inutile. Les lansquenets, désignés les premiers pour tenter l’escalade de la brèche, s’y refusèrent. Les Espagnols, pressés par Bourbon, n’y consentirent pas davantage. Pescara, qui croyait l’entreprise plus que téméraire, les en détourna lui-même avec sa verve familière. — « Les Marseillais, leur dit-il, ont apprêté une table bien couverte pour traiter ceux qui les iront visiter. Si vous avez envie d’aller souper aujourd’hui en paradis, courez-y. Si vous n’y songez nullement, ainsi que je le crois et que je le fais, suivez-moi en Italie, qui est dépourvue de gens de guerre et va être menacée[1]. » Sollicités à leur tour, les Italiens refusèrent comme les Espagnols et les Allemands. Bourbon, désespéré et désobéi, dut ramener l’armée dans ses quartiers en renonçait à emporter la ville de vive force ce jour-là.

S’obstinerait-il à camper devant Marseille, si difficile à prendre ? Marcherait-il contre l’armée française, qui approchait sous le commandement du roi, et dont l’avant-garde, conduite par le maréchal de La Palisse, n’était pas éloignée ? Il n’était plus maître de ses troupes découragées, qui ne se croyaient ni en mesure d’enlever une place ainsi défendue, ni en état de résister à une armée nombreuse et enhardie. Rien de ce qu’il avait demandé avec tant d’insistance et de ce qui lui avait été plusieurs fois annoncé n’avait été fait par le vice-roi de Naples, par l’empereur, par le roi d’Angleterre. Il était presque abandonné en pays ennemi sans les forces suffisantes pour s’y avancer et même pour s’y soutenir. Lannoy, soit mauvaise volonté comme on l’en accusait, soit impossibilité comme il le mandait plus tard à Charles-Quint, ne lui avait pas envoyé tous les hommes de pied[2] et tous les hommes d’armes qui devaient le rejoindre. C’est ainsi qu’une portion de l’infanterie et de la cavalerie qu’attendait Bourbon lui manqua pendant toute la campagne.

De son côté, Charles-Quint, qui avait donné l’ordre de faire marcher par la frontière de Roussillon les Espagnols et les Allemands[3]

  1. Pauli Jovii Vita Pescarii, lib. III, p. 363. — Illescas, Istoria pontifical y catholica. Segunda parte, p. 421.
  2. Lannoy écrivait d’Asti le 28 septembre à Charles-Quint que les piétons et les compagnies de gens d’armes que demandait le duc de Bourbon « n’avoient peu passer la montaigne depuis la fin d’aoust à cause que ceulx de la montaigne avoient pris le passage de Tende. » Il annonçait qu’il allait faire forcer le passage, mais c’était trop tard. — Arch. imp. et roy. de Vienne.
  3. Il l’écrivait le 15 août au duc de Bourbon : « Mon bon frère,… j’ay par suyvant vostre advis faict marcher au quartier de Perpignan les Allemands qu’estoient par deçà, lesquels pourront aucunement ayder à divertir la puissance de nostre ennemy. Je suis après pour faire retenir navires pour embarquer eulx ou aultres piétons et les envoyer par delà. J’ay aussi faict assembler parlement en Aragon et Catheloigne par devant nos viceroys pour se servir d’eulx et tirer ce qu’ils pourront tirer soit en argent ou gens. » Papiers de Simancas, série D, liasse 3, n° 54. Il écrivait la même chose à Lannoy et lui disait de renforcer l’armée de Bourbon et de faire argent de tout pour lui envoyer 100,000 ducats. Simancas, D. 615. — Il écrivait le 12 août à L. de Praet pour qu’il pressât le roi d’Angleterre afin qu’il envoyât tout au moins 300,000 ducats au duc de Bourbon, comme il le faisait lui-même, pour soutenir l’armée impériale. — Ibid.