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François Ier était parvenu à refaire une armée. Il avait déployé une activité soutenue et habile en pourvoyant à la défense de Marseille et en rassemblant les troupes à la tête desquelles il se proposait de descendre en Provence. La conspiration du rebelle qu’il allait combattre et le procès de ses complices n’avaient cessé de l’occuper. Ainsi qu’il en avait menacé le parlement de Paris, il avait quelque temps auparavant adjoint à ses membres deux présidens du parlement de Toulouse, deux présidens du parlement de Bordeaux, deux présidens du parlement de Rouen, le président du parlement de Bretagne et un conseiller du grand conseil, afin qu’ils prononçassent de concert sur les adhérens de messire Charles de Bourbon[1]. Il avait désigné surtout à leur rigueur Aymard de Prie, d’Escars, le chancelier de Bourbonnais Popillon, Desguières et Brion. Les juges procédèrent à de nouveaux interrogatoires, sans faire usage de la torture pour arracher aux accusés des aveux plus étendus. Leur sentence, qu’ils ne prononcèrent pas aussi vite que le recommandait François Ier, avait tout l’air d’un acquittement. Sans rien changer au jugement de Brion et de Desguières, ils décidèrent qu’Aymard de Prie, Pierre Popillon et d’Escars seraient élargis et relégués dans telle ville du royaume qu’il plairait au roi de leur assigner[2].

François Ier, en apprenant cette décision, se montra aussi surpris qu’irrité. Il allait partir de Blois pour marcher contre le connétable, qui venait de pénétrer en Provence ; aussi écrivit-il au parlement du ton de la défiance, du commandement et de la menace, comme s’il le suspectait de n’être pas défavorable à sa rébellion. « Nous avons trouvé vos arrêts fort étranges, vu le temps où nous sommes. Pour ce, nous vous mandons et expressément enjoignons de n’élargir aucunement les prisonniers, mais de les tenir en bonne et seule garde, en sorte qu’ils ne puissent échapper, et n’y faites faute sur vos vies. Au demeurant, vous avisons que nous allons à Lyon pour empescher que Charles de Bourbon et aultres nos ennemis n’entrent dans notre royaume, ce que il nous sera facile de faire, et à notre retour vous ferons savoir de nos nouvelles, vous assurant que ledit Charles de Bourbon n’est pas encore en France[3]. »

  1. Mss. Dupuy, v. 484, f. 355.
  2. Le parlement prononça quelque temps après la peine de mort contre les complices du connétable qui étaient hors de France et réunis à lui. Il condamna, par arrêt du 13 août, à être décapités le comte de Penthièvre, Lurcy, dont le corps devait de plus être mis en quatre quartiers, Tansannds, des Escures, Desguières, Pomperant, Simon, Beaumont, les d’Espinat, de Tocques, Louis de Vitry, François du Peloux, Jean de l’Hospital, Bavant Nagu, Ponthus de Saint-Romain. Leurs têtes devaient être mises au bout d’une lance, leurs corps pendus au gibet de Montfaucon, leurs biens confisqués, et leurs fiefs incorporés à ceux du roi.
  3. Lettre du 10 juillet. — Mss. Dupuy, v. 484, f. 484 v°.