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sans cesse. La cavalerie française faisait en quelque sorte partie du convoi plutôt que de la troupe active.

À notre arrivée à Cherchell, l’armée, en débouchant dans la vallée de l’Oued-Hachem, trouva la cavalerie arabe disposée à lui disputer le passage. Le vieux maréchal fit usage de ses canons ; plus heureux que nous, deux escadrons du 1er de chasseurs d’Afrique, appuyés par le 17e léger, furent lancés sur l’ennemi ; les Arabes s’enfuirent, laissant quelques morts. L’armée passa sans être autrement inquiétée. La cavalerie de France était restée spectatrice impassible du premier combat de cavalerie de cette campagne. Il était évident qu’appelée à la lutte, elle eût noblement fait son devoir.

Enfin le 15 nous étions à Cherchell ; les portes furent enfoncées à coups de canon. On n’y trouva qu’un vieux Turc aveugle et une vieille femme folle. Cherchell à cette époque n’était point la charmante petite ville qui se voit aujourd’hui. Sale comme toutes les villes arabes, son plus grand commerce consistait en grains. L’armée resta trois jours bivouaquée autour de ses murs. On établit des blockhaus sur les hauteurs qui la dominent, et on y laissa une garnison. Pendant ce temps, les Arabes nous observaient, ne sachant si nous allions à Médéah ou à Milianah. L’armée se remit en marche ; l’occupation de Cherchell mettait fin à la campagne. Le colonel du 17° léger, Bedeau, chargé du commandement de Cherchell, avec son régiment et le 2e bataillon léger d’Afrique, vint prendre congé du maréchal au moment où la dernière ligne s’éloignait. J’avais vu ce jeune colonel à Alger, et j’avais été frappé de son aptitude prématurée au commandement. La province de Constantine, qu’il allait être bientôt appelé à diriger, se rappelle encore avec reconnaissance son administration intègre et ferme[1].

Il restait à revenir à Blidah. On apporta dans cette seconde partie de l’expédition la même célérité que dans la précédente. Notre colonne accomplit cette marche en deux jours ; elle semblait battre en retraite devant des nuées d’Arabes qui la poursuivaient avec une furie et de sauvages clameurs bien faites pour atteindre le moral de troupes moins aguerries que les nôtres. Un de ces désastres qui sont comme le châtiment de ces opérations précipitées marqua notre première journée de marche. L’armée avait atteint vers dix heures du soir les bords de la Chiffa, suivie par plus de huit cents cavaliers arabes que le feu de notre infanterie tenait seul en respect. Une crue subite avait considérablement grossi cette rivière torrentielle. On prit immédiatement des dispositions pour la franchir.

  1. Il a formé un digne élève, le général Desvaux, commandant aujourd’hui la division de Constantine.