Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/353

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour ramener la tranquillité et la confiance au milieu de nos possessions envahies. C’était peu connaître l’ennemi patient et rusé que nous avions à combattre. Abd-el-Kader ne pliait sous l’orage que pour se relever bientôt plus hardi. De notre côté heureusement, la suspension des hostilités fut employée à d’utiles travaux d’organisation. Dès le mois de janvier 1840, toute l’armée se trouva concentrée autour d’Alger, formée en deux divisions, plus une de réserve, composée de trois vieux et solides régimens d’Afrique, le 2e et le 17e léger, le 23e et le 24e de ligne. Les douze escadrons arrivés de France faisaient partie de cette réserve. On procéda sans retard à leur organisation, en les fondant dans deux régimens appelés régimens de marche, sous les ordres de deux chefs expérimentés et braves, les colonels Korte et Miltgen. On ne pouvait faire un meilleur choix pour conduire de jeunes cavaliers dont la plupart n’avaient jamais vu le feu ; le premier eut le commandement du 2e régiment, et le 1er régiment échut au second. Mon régiment était sous les ordres du colonel Korte, officier de cavalerie des plus distingués par sa bravoure et son talent de manœuvrier. Nous étions à bonne école, dans le cas toutefois où il nous serait permis d’agir.

Sous l’impulsion de ces deux habiles chefs, la cavalerie régulière de France eut bientôt pris les allures de sa glorieuse compagne d’Afrique. Elle fut appropriée au pays et à la nature de la guerre qu’elle était appelée à faire. Le lourd schako fut remplacé par ce traditionnel képi d’Afrique, qui a été vu sur tous les champs de bataille de l’Europe. La chabraque fut aussi supprimée comme un inutile objet de parade. Dans un pays où le soldat doit tout emporter avec lui, même du bois, comme dans la province de Constantine, pour faire cuire la soupe, le cheval est souvent chargé à tel point qu’on se demande où trouvera place le cavalier. Le bois et le fourrage unis par des courroies à la palette de derrière, le manteau, la marmite, la faucille pour couper l’orge, la hache pour tailler le bois, la gourde enfin, assujettis sur le devant, dérobent à l’œil le petit coursier arabe, quand un de nos cuirassiers est monté dessus. Et cependant quelle ardeur, quelle sobriété, quelle vigueur chez ce cheval d’Afrique ! La Crimée est là pour lui signer ses lettres de noblesse parmi les chevaux de guerre dans tous les pays où le porteront les destinées de la France.

Toute cette cavalerie, jusqu’à la reprise des hostilités, fut cantonnée dans les environs d’Alger. Les possessions françaises, à cette époque, commençaient à Alger ; du côté du sud, elles finissaient à une douzaine de lieues, à Blidah, qui était constamment bloquée ; du côté de l’est, il fallait une forte colonne pour aller à la Maison-Carrée, située à six lieues de la ville. Entre ces distances, les Arabes