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taillé en pièces. Le 21, une sortie tentée par le commandant de l’Oued-Laleg fut encore plus funeste à nos armes. Attaquée par quinze cents cavaliers des Hadjoutes, les plus habiles et les plus ardens de nos ennemis, cette malheureuse colonne, après une défense héroïque, fut écrasée ; cent cinq hommes, officiers et soldats, restèrent sur la place. Au milieu des cadavres se trouvait le corps du capitaine de Grandchamp, horriblement défiguré ; le capitaine fut sauvé cependant, et une de nos divisions d’infanterie garde encore à sa tête cette noble figure militaire. Il y avait là une cruelle, mais utile leçon pour les jeunes officiers qui sont appelés à conduire des convois. Le manque de présence d’esprit fut pour le commandant du convoi de l’Oued-Laleg, qui n’avait pas fait parquer ses voitures, la cause d’un désastre où furent entraînés avec lui plusieurs de ses compagnons d’armes. C’est dans l’étude de pareils faits que doit se recueillir celui qui est appelé à commander un jour.

La guerre avait donc éclaté aux portes d’Alger. Le gouvernement français s’empressa d’envoyer des renforts pour soutenir une lutte qui s’annonçait comme terrible. Plusieurs régimens d’infanterie furent désignés pour aller venger l’insulte faite à l’honneur de nos armes. La cavalerie régulière ne fut pas oubliée, et j’ai indiqué la date à laquelle douze escadrons, appelés en Afrique, quittaient la France. Les 1er, 4e, 8e, 9e de chasseurs, les 5e et 6e de hussards fournissaient chacun deux escadrons, sous le commandement de leur chef respectif. J’eus l’honneur d’appartenir aux escadrons du 5e de hussards, commandant de Charbonne[1].

Les douze escadrons de France débarquèrent à Alger dans les premiers jours de janvier 1840. Déjà un éclatant succès avait marqué nos premières opérations contre l’émir. Une dépêche télégraphique, datée de Blidah 31 décembre, annonçait à la France le glorieux combat de l’Oued-Laleg, livré par le maréchal Valée en personne, et où l’infanterie et les chasseurs d’Afrique faisaient éprouver aux réguliers d’Abd-el-Kader une déroute complète. Le colonel Changarnier à la tête du 2e léger, le colonel Bourjoly à la tête des chasseurs d’Afrique, illustraient déjà des noms dont l’armée devait plus tard être si fière. Le colonel Changarnier nous apparaissait alors comme le type de l’abnégation militaire et du génie qui sait attendre son heure ; il montrait en même temps dans l’action une bravoure à toute épreuve, et on disait de lui avec raison que c’était un Murat d’infanterie. Après la belle victoire de l’Oued-Laleg, on pensait qu’un tel coup porté au fanatisme des musulmans rangés sous l’étendard du premier chef guerrier qu’ils eussent à nous opposer suffirait

  1. 1 Tué dans les funestes journées de juin 1848, comme représentant du peuple.