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révisassent en commun les procès déjà vidés, et en attendant il prescrivit que les prisonniers ne bougeassent d’où ils étaient.

C’est lors de ce voyage à Paris qu’il apprit la position critique de l’amiral Bonnivet en Italie. Il le crut cerné à Abbiate-Grasso et gravement menacé sur ses flancs et sur ses derrières. Il ordonna une procession générale, qu’il suivit à pied, pour demander à Dieu de dégager son armée de la situation dangereuse où elle se trouvait. Il remercia avec effusion l’Hôtel-de-Ville de Paris d’un prêt opportun de 300,000 écus[1] qu’il lui avait fait, et qui permettait d’assister ses troupes en Lombardie autrement que par des prières. Il demanda par son ambassadeur auprès des cantons huit mille Suisses de plus, et il donna l’ordre à quatre cents hommes d’armes de se réunir sous le duc de Longueville pour aller recevoir ces huit mille Suisses à Ivrée, à la descente des Alpes, et les conduire jusqu’au camp de Bonnivet.

En attendant les secours qu’il avait demandés, l’amiral avait quitté la rive gauche du Tessin. Il avait laissé une faible troupe de mille fantassins et de cent chevaux pour garder Abbiate-Grasso, et il s’était porté avec toute son armée à Vigevano, afin d’assurer ses communications et ses vivres dans la Lomelline. Les confédérés ne l’y laissèrent pas longtemps. Conduits par le duc de Bourbon, le marquis de Pescara et le duc d’Urbin, ils le poursuivirent de leurs incessantes et heureuses attaques. Ils le menacèrent sur sa droite en assiégeant Sartirana, qui fut prise d’assaut avant qu’il pût en approcher, bien qu’il se fût avancé jusqu’à Mortara pour la secourir. Tandis que les confédérés s’emparaient de Sartirana, la garnison laissée dans Milan, suivie d’une foule d’habitans armés, marcha sur Abbiate-Grasso, et l’enleva de vive force. Ne conservant rien à sa gauche le long du Tessin, et pressé de plus en plus par les impériaux, qui le débordèrent vers sa droite, en remontant jusqu’à Verceil, sur la Sesia, Bonnivet, de peur de manquer de vivres à Mortara et d’avoir ses derrières coupés, continua son mouvement de retraite et recula jusqu’à Novare. Il s’y établit, croyant qu’il y serait bientôt joint par les hommes de pied et les hommes d’armes qui descendaient des vallées des Grisons, des cantons suisses et du royaume de France. C’était sa dernière ressource : elle lui manqua. Les Grisons, conduits par Dietingen de Salis, débouchèrent bien vers le Bergamasque ; mais, arrivés à Cravina, où ils espéraient trouver de l’argent

  1. « Le jeudi dixième de mars, le roy, estant à Paris venu de Bloys, eut nouvelles par la poste que, le quatrième du dict moys, l’armée qui estoit devant Milan estoit enclose des ennemis… Lors le roy, oyant ces nouvelles, fist faire une belle procession générale à Paris en grande solennité, où il se trouva en personne à pied avec toute la noblesse, etc. » — Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 147, 148.