Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/289

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reine-mère et du duc d’Orléans ; 2o à donner un passage aux troupes du roi en cas qu’il fût encore obligé de les envoyer dans le Montferrat, ou que la paix fût troublée dans les Grisons et dans le duché de Mantoue ; 3o à remettre en dépôt pour six mois entre les mains de la France la ville et la citadelle de Pignerol. Quelque temps après, le dépôt de six mois était prolongé de six mois encore, et en 1632 le traité de Saint-Germain du 15 mai, celui de Turin du 5 juillet, convertirent le dépôt en une cession définitive, aux applaudissemens unanimes de l’Italie, qui, en sentant la France plus près d’elle, commença à respirer librement[1].

Cette nouvelle et heureuse négociation plaça Mazarin encore plus haut dans l’opinion de l’Italie et dans celle de Richelieu. À Paris même, le cardinal avait fait paraître tout le cas qu’il faisait de son mérite. Après la courte et légère altercation que nous avons racontée, trouvant en lui tout ensemble de la dignité, du sang-froid, de la fermeté, avec une merveilleuse pénétration et une précoce expérience, il le jugea propre aux grandes affaires, et fit tout pour se l’attacher. Il exigea qu’il logeât chez lui, lui proposa, s’il voulait s’établir en France, l’évêché de Cahors[2], qui était alors vacant, ou, s’il désirait rester au service du pape, une riche abbaye, comme en possédaient en France plus d’un prélat romain. Et Mazarin ayant généreusement refusé tout autre présent que celui de l’estime du grand ministre, Richelieu, dont la parole était si sûre, lui dit qu’il était désormais sous la protection de la France, et qu’il saurait bien lui en donner des preuves à Rome comme à Paris. Louis XIII se joignit au cardinal pour faire honneur à Mazarin, et lui voulut offrir une marque de considération qu’il ne put refuser : à son départ, il lui fit remettre un beau collier d’or, enrichi de pierreries, avec l’image du roi au milieu, ainsi qu’une magnifique épée[3].

Tous ces témoignages de la faveur de la France n’étaient pas faits, comme on le pense bien, pour diminuer l’inimitié des Espagnols, qu’avaient déjà si fort blessés la délivrance de Casal et l’évacuation du Montferrat. Cette inimitié s’accrut bien en 1632, lorsqu’on connut enfin la convention particulière du 31 mars 1631 entre la France et la Savoie et le secret avec lequel toute cette affaire avait été conduite. Le duc de Feria, appelé de nouveau au gouvernement de la Lombardie, n’avait pu se défendre d’un accès de colère en apprenant que le jeune capitaine d’infanterie, qu’il avait autrefois connu dans l’armée pontificale de la Valteline, s’était joué de sa vieille expérience

  1. Brusoni, p. 170 : « Con applauso ubiversale di tutta Italia che in ciò apprendeva la propria sicurezza. »
  2. Benedetti, p. 41.
  3. Tiré du mémoire anonyme.