Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accepter, mais qu’il était bien tard, qu’on était trop avancé pour qu’il fût possible d’éviter une affaire, et il alla se mettre à la tête de ses troupes et faire les derniers préparatifs du combat. Mazarin, en le quittant, courut bien vite auprès de Sainte-Croix, lui exposa avec netteté et avec force l’état de l’armée française, son impatience de combattre, et l’inévitable défaite qui l’attendait s’il se refusait à une proposition qui ménageait sa dignité en conservant la seule armée que l’Espagne et l’Autriche pussent avoir de longtemps en Italie. Il lui peignit enfin le duc de Savoie prêt à se joindre aux Français s’ils étaient vainqueurs, et à entrer avec Schomberg dans le Milanais afin d’en avoir sa part. Le marquis de Sainte-Croix se rendit à ces raisons[1]. À l’instant même, Mazarin monte à cheval et s’élance pour aller retrouver. Schomberg.

Mais déjà la bataille était presque engagée. Toiras était sorti de la citadelle avec deux ou trois cents chevaux et cinq ou six cents hommes d’infanterie[2], attendant le moment de prendre part à l’affaire. L’armée espagnole et impériale comptait vingt-cinq mille hommes de pied et de six ou sept mille chevaux. Elle était adossée à Casal, qu’elle séparait de nous, et se tenait enfermée dans les lignes qu’elle avait eu le temps de fortifiera son aise depuis un mois. L’aspect de ces lignes bastionnées de toutes parts était formidable. Au dedans, on voyait Gallas à la tête des vieux régimens de l’empire ; Piccolomini commandait la cavalerie ; c’est lui qui devait commencer le combat[3]. Le maréchal de Schomberg s’était placé au centre de l’armée française ; il avait donné la droite au maréchal de La Force et la gauche au maréchal de Marillac. Tous trois avançaient de front. À une portée de fusil, on avait fait halte pour se mettre à genoux et faire la prière. Les soldats relevés, on leur avait adressé quelques petits discours pour les animer, mais ils n’en avaient pas besoin dans la bonne humeur où la présence des ennemis les mettait. Jamais, dit Richelieu, à qui nous empruntons ce récit[4], il ne fit un si beau jour ; il semblait que le soleil eût redoublé sa lumière pour faire voir plus distinctement les particularités d’une si grande et si importante action. Il pouvait être environ quatre heures après midi. Le signal de la bataille était donné ; la cavalerie avait l’épée et le pistolet à la main ; l’infanterie marchait d’un pas égal, avec résolution et gaieté. Le canon des Espagnols commençait à tirer et à faire des ravages dans nos rangs sans y apporter la moindre confusion, ni faire pâlir un seul visage. L’attente d’un grand péril

  1. Benedetti, p. 34, Brusoni, p. 183.
  2. Mémoires de Richelieu, t. VI, p. 338.
  3. Histoire inédite de Victor-Amédée : « Stava il Galasso disposto alla battaglia ; al Piccolomini era dato commando dal Santa-Croce di principiar li attachi con la cavalleria. »
  4. Mémoires de Richelieu, ibid., p. 335 et suiv.