Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/281

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VIII

Dès qu’il eut pris son parti, Schomberg s’était empressé de faire savoir à Toiras, toujours en possession de la citadelle de Casal, qu’il se préparait à le secourir, et que dans peu de jours il espérait bien avec lui rejeter les Espagnols dans le Milanais, comme naguère ensemble, au siège de La Rochelle, ils avaient chassé les Anglais de l’île de Ré. Il avait appelé à lui toute la noblesse du Dauphiné, ne lui demandant qu’une courte campagne et lui promettant une bataille. Il avait pressé l’arrivée des troupes du maréchal de Marillac, et, laissant en Piémont le marquis de Tavannes avec sept ou huit mille hommes pour garder les places conquises et contenir au besoin le duc de Savoie, le 17 octobre, il était parti de Rocca, sur le Tanaro, entre Asti et Alexandrie, avec dix-huit mille hommes d’infanterie et trois mille chevaux. L’espoir d’une grande journée remplissait l’armée d’enthousiasme. Elle traversa en bon ordre les trente lieues qui séparent Rocca de Casal, dans un pays dévasté par la guerre, la famine et la peste. Le 26 octobre, elle atteignait la plaine qui environne Casal, et, en apercevant les lignes espagnoles, elle appelait de ses cris l’heure du combat.

Pendant que tous ces cœurs généreux battaient de joie, Mazarin était au désespoir. Il voyait le fruit de tous ses travaux près de lui échapper ; il jugeait bien qu’une bataille, de quelque façon qu’elle tournât, rouvrait une guerre effroyable. L’étranger allait donc s’établir et en quelque sorte prendre racine en Italie ! Déjà les Français occupaient le Piémont ; Casal délivré, Ils se jetteraient sur le Milanais et iraient faire le siège de Mantoue. D’autre part, l’Autriche et l’Espagne ne lâcheraient pas aisément leur proie, et on ne voyait pas la fin de ces luttes affreuses sur le sol italien. Mais plus la paix fuyait devant lui, plus Mazarin la poursuivait avec une infatigable énergie. Il allait sans cesse des Français aux Espagnols, des Espagnols aux Français, toujours à cheval, courant à travers la peste et les mousquetades, ne se rebutant jamais, cherchant et inventant des propositions conciliatrices qui pussent agréer aux deux parties[1]. Ajoutons que ses connaissances militaires venaient en aide à son talent diplomatique, et que l’ancien capitaine d’artillerie secondait admirablement le secrétaire de la légation pontificale. Il pouvait parler aux différens généraux du véritable état de leurs forces respectives

  1. Histoire inédite de Victor-Amédée Ier, par l’abbé Castiglione : « Il Mazarini vedendo che tante sue fatiche fatte per incontrar la mente pacifica di sua santità venivano a riuscir infruttuose, non tralasciò viaggi per ripliare i trattati e per animare i Francesi ad accettare. Disse e ridisse ; alla di lui prudenza e destrezza non mancarono modi e nuove propositioni per ottener il suo fine. »