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Un peu plus tard, sur la demande expresse de Louis XIII, on ajouta cette clause importante : la ville seule de Casal serait livrée aux Espagnols, et les Français demeureraient dans la citadelle[1], à la condition de la livrer aussi dans le cas où, quinze jours après, ils ne seraient point secourus. C’est armé de ces pouvoirs considérables que Mazarin partit le 3 août de Saint-Jean-de-Maurienne pour retourner dans le Montferrat.

Il avait l’ordre de se rendre d’abord auprès du nouveau duc Victor-Amédée Ier, et de le gagner au plan qu’on venait d’arrêter. Comme c’était la Savoie qui avait allumé la guerre dans la Haute-Italie en y appelant l’empire et l’Espagne, c’était à elle qu’il appartenait de la faire cesser en dégageant ses deux alliés de leurs engagemens et en prenant elle-même l’initiative de la demande de la paix. Victor-Amédée était occupé en ce moment à défendre le petit nombre des places du Piémont qui n’étaient pas encore au pouvoir des Français. Après un combat assez vif, il s’était retranché dans Carignan. Pour aller l’y joindre, Mazarin traversa un pays désolé par la peste, et qui offrait le plus triste spectacle[2]. Des villages entiers étaient déserts. On se retirait dans les forêts. Chaque jour, sans coup férir, les soldats périssaient en foule. Les chefs eux-mêmes étaient abattus. D’Effiat et Montmorency, consumés par la fièvre, ressemblaient à des fantômes. Victor-Amédée ne savait comment échapper à la contagion. Les troupes, lasses de souffrir, n’obéissaient plus à la discipline. Mazarin rencontra sur sa route des difficultés de toute sorte. On dit même qu’arrivé devant Carignan, qu’entourait l’armée française, il courut les plus grands dangers, fut arrêté, maltraité, blessé par un soldat que le mal avait rendu furieux, et ne dut son salut qu’à l’intervention du général français, le duc de Montmorency[3]. Victor-Amédée connaissait depuis longtemps Mazarin, et avait une grande confiance en ses conseils, que l’expérience n’avait que trop justifiés. Mazarin lui rappela que

  1. Mémoires de Richelieu, t. VI, p. 245, etc.
  2. Histoire inédite de Victor-Amédée, par l’abbé Castiglione : « Stimavasi malegovole troppo la continuatione della guerra, esercitandone la peste una più crudole, uccidendo i soldati gli habitanti, inhabilitando i luoghi per habitarvi, e difficoltando il ritrovar vettovaglie… »
  3. Ibid. : « Ben riusci in quei tempi loggiero il pericolo corso dal Mazarini, mentre che nell’ arrivar che egli fece alle trinece sotto Carignano, fermato dà corridori francesi, finche data ne fosse parte al générale e reconosciuta la di lui persona. Percbiocche passeggiando egli all’ ombra di alcuni alberi, afflitto dal viaggio, e travagliato dà calori. estivi, venne d’improviso assalito dà un fantacino, il quale agitato dal furoro del morbo contagioso, non solo colpillò con una pietra nel ginocchio destro, mà strettamente lo abbracciò caduto in terra, sotto seco, e male lo trattò con doppio poricolo della vita. Miracolosamente non dimeno lo préservò Dio, il quale gli diè forza di sottrarsene, evolle riserbarlo ad operar saggiamente per la pubblica pace ; accidente intanto sentito dal Momorensi con stupore e con dispiacere. »