Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trouverait le Piémont suffisamment agrandi et fortifié par l’annexion des duchés de Parme et de Modène, par l’union de la Romagne, dont le roi de Sardaigne prendrait l’administration avec des réserves et un tribut pécuniaire stipulés en faveur de la suzeraineté du saint-père. La France voudrait que la Toscane formât un état séparé, qui choisirait son souverain, et même pourrait le prendre dans la maison de Savoie. L’on assure que notre gouvernement n’a pas la prétention d’imposer par une pression absolue cette combinaison à l’Italie. Seulement l’on donne à entendre qu’il se croirait plus dégagé vis-à-vis du Piémont et de l’Italie, si le gouvernement sarde et le gouvernement toscan persistaient dans l’accomplissement de la grande annexion, et qu’au contraire il se montrerait disposé à protéger efficacement le nouvel ordre de choses, si le Piémont et les Italiens du centre acceptaient la combinaison qu’il recommande.

L’on nous pardonnera si nous hésitons à nous prononcer sur des plans dont l’exposé officiel nous est encore inconnu. Nous avouerions notre hésitation devant la version que nous venons de reproduire, lors même que l’exactitude nous en serait assurée. Nous ne voyons pas, quant à nous, qu’il y ait, soit au point de vue italien, soit au point de vue français, une bien grande différence entre l’annexion avec la Toscane et l’annexion sans la Toscane, mais avec un prince de la maison de Savoie à Florence. Au point de vue italien, il est évident que la Toscane, nominalement séparée, demeurerait une arrière-garde fidèle de l’Italie supérieure. Comme toute l’élite de la société toscane est engagée dans le mouvement annexioniste, ce seraient en réalité les annexionistes qui gouverneraient la Toscane, et ils la conduiraient dans les voies de la politique sarde. Si donc nous étions Italiens, et s’il nous était démontré que la conservation des bonnes grâces et de l’appui effectif du gouvernement français fût au prix d’une séparation nominale et vraisemblablement temporaire de la Toscane, nous ne mettrions pas un si petit inconvénient en balance avec un si grand avantage. En nous plaçant au point de vue français, nous serions plutôt tentés de renverser l’argument. Il faut voir sous leur vrai jour les difficultés et les périls de l’Italie. Un grand ébranlement, et la France ne peut pas nier qu’elle n’en soit en partie responsable, a été imprimé aux esprits en Italie. Les Italiens ont été agités par l’idée de l’indépendance nationale, et les événemens dont le début leur avait paru devoir amener la réalisation de leurs vœux ont laissé l’œuvre de l’indépendance inachevée. Nous devons faire une large part à l’exaltation que la guerre et la paix leur ont nécessairement inspirée. Nous devons reconnaître en outre que les motifs d’antipathie et d’antagonisme qui existaient avant 1859 entre le parti national et libéral italien d’une part et l’Autriche et le gouvernement pontifical de l’autre subsistent des deux côtés au moins avec la même force, et se sont bien plutôt aggravés. Entre la presse libre et le parlement du Piémont et la bureaucratie autrichienne ou l’immobilité romaine, l’antagonisme aura-t-il pu se calmer parce que la limite