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et d’Autriche. Quant à lui, il était prêt à acquiescer à l’annexion au Piémont demandée par les états de l’Italie centrale. Sur ce point, le gouvernement français paraissait être d’un autre avis ; cependant le gouvernement français avait déclaré qu’aucun moyen coërcitif ne serait employé contre les populations du centre. Comment pouvaient se concilier des positions si contradictoires ? »

Si dans ses rapports avec la France le cabinet anglais ne trouvait pas la lumière qui pût l’aider à percer les obscurités du congrès, ses relations avec la cour de Vienne étaient moins faites encore pour encourager ses espérances. L’embarras du côté de Vienne n’était point de concilier des prétentions ou des engagemens contradictoires, c’était d’affronter une obstination inébranlable. Sur le fond des choses, M. de Rechberg refusait, cela va sans dire, tout compromis. Plutôt la destruction et la ruine ! s’écriait-il quand on cherchait à obtenir une de ces concessions à l’esprit du temps, aux vœux populaires, à la force des choses, que l’Autriche regarde comme des attentats au droit. Le ministre anglais ne pouvait même amener le ministre autrichien à se joindre aux déclarations réitérées par lesquelles la France retirait aux stipulations de Villafranca et de Zurich relatives aux restaurations la sanction de la force. Le 11 décembre encore, après la convocation dû congrès, lord Loftus lisant une dépêche où lord John Russell se référait à ces déclarations de la France, dans lesquelles il voyait un gage de paix pour l’Europe, et demandait à l’Autriche de s’y rallier : « De quelles déclarations veut parler sa seigneurie ? demandait M. de Rechberg. — Qu’il n’y aura pas d’intervention armée pour restaurer les archiducs, répliquait lord Loftus. » M. de Rechberg reprenait avec un calme qui annonçait l’inflexibilité de sa résolution qu’il ne dévierait pas de la marche que lui traçaient ses principes, et qu’il maintiendrait ces principes au prix de tous les sacrifices.

L’Angleterre du moins pouvait-elle espérer d’avoir jusqu’à un certain point l’appui des puissances, la Russie et la Prusse, qui étaient, comme elle, demeurées neutres pendant la guerre d’Italie ? Il est inutile de parler de la Prusse, qui paraît décidément s’être pour toujours condamnée à n’avoir plus d’initiative dans les grandes affaires de l’Europe, de la Prusse, dont le bonheur est de s’effacer, et qui met sa gloire à marcher, comme un confident de tragédie, à la suite de son grand voisin du Nord ; mais la Russie n’a point abdiqué l’apparence d’un grand rôle. L’effet immédiat de la paix de Villafranca fut de la rapprocher sensiblement de l’Angleterre. Les entretiens du prince Gortchakof avec sir John Crampton, de M. de Brunnow avec lord John Russell vers cette époque, ont le caractère de l’intimité, et annoncent de la part du cabinet russe l’intention de concerter sa marche avec le cabinet de Saint-James. L’on reconnaît, comme les Anglais, les impossibilités de la paix de Villafranca ; l’on se vante de n’avoir pas cédé à une insinuation venue de Paris, qui demandait à la Russie de prendre l’initiative de la proposition d’un congrès. Le prince Gortchakof, que l’on se figure volontiers,