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ment à leurs idées, alors, à la vérité, une paix stable et permanente pourrait s’établir en Italie. L’autre difficulté dominante de la question italienne est la condition des États-Romains. Pendant dix années, les troupes autrichiennes ont occupé Bologne : elles y ont administré la justice criminelle, elles y ont prononcé et exécuté des sentences capitales ; mais elles n’ont jamais soumis la population. Dès que les casernes autrichiennes ont été évacuées, l’autorité papale a été renversée. En fait, les abus civils du gouvernement papal unis au joug militaire de l’Autriche, le mélange d’un despotisme énervé avec la discipline des cours martiales, avaient produit un état de choses intolérable. Mais, dit-on, il faut que l’autorité du pape soit maintenue. Si l’on entend par là qu’il faut que le pape demeure prince souverain, et qu’étant le chef de l’église catholique romaine, le siège de son autorité spirituelle doit être le siège de sa souveraineté, c’est là une proposition intelligible ; mais c’est une étrange doctrine que d’affirmer que, pour maintenir son autorité spirituelle, il faut qu’il possède deux ou trois millions de sujets mécontens. Le pape, s’il n’était pas soutenu par d’autres puissances, ne pourrait défendre son indépendance contre personne, pas même contre les états de second ordre… La protection qui lui est nécessaire lui serait bien mieux assurée, si sa juridiction temporelle et politique était limitée à Rome et aux environs de Rome… Ses sujets aspirent après un gouvernement séculier qui soit non une simple délégation du pouvoir pontifical, mais une autorité au moins aussi indépendante du pape que le gouvernement des provinces danubiennes est indépendant du sultan. Si l’Europe voulait traiter aussi bien le peuple de la Romagne et des Marches que le peuple de Valachie et de Moldavie, cette question italienne, aggravée de tant de difficultés, envenimée de tant de douleurs, pourrait recevoir une solution. » Voilà le langage que l’Angleterre a fait entendre à toutes les cours pendant six mois. L’objet qu’elle avait le plus à cœur pour détourner les mauvaises conséquences de la paix de Villafranca, c’était d’obtenir l’assurance que la force ne serait employée, ni par la France, ni par l’Autriche, pour amener la restauration des archiducs, annoncée dans les préliminaires.

C’est en prenant acte des déclarations qu’il avait reçues de la France à cet égard que lord John Russell accéda au congrès sans trop d’empressement ni trop de confiance. L’on peut juger du peu d’espoir que l’Angleterre avait dans l’efficacité d’un congrès par un curieux entretien de lord Cowley avec M. le comte Walewski, rapporté dans une dépêche de l’ambassadeur, anglais du 29 novembre. Notre ministre des affaires étrangères ayant interrogé lord Cowley sur les desseins du gouvernement anglais à l’égard du congrès, lord Cowley lui répondit « qu’en considérant les stipulations du traité de Zurich et la situation compliquée de l’Italie centrale, le gouvernement anglais ne voyait pas de motifs à la convocation d’un congrès, et ne pouvait comprendre ce que l’on en attendait. S’il envoyait donc un plénipotentiaire au congrès, ce serait uniquement pour se rendre aux vœux des gouvernemens de France