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les terres froides du Dauphiné une chambrée dont la moitié n’avait pas encore gagné la bruyère. Ces nouvelles études confirmèrent de tout point les précédentes : elles sanctionnèrent les conclusions de la sous-commission ; elles me permettent d’être aujourd’hui bien plus affirmatif que dans mon premier travail, et j’espère que ma réserve passée elle-même sera aux yeux du lecteur une garantie de plus en faveur de mes convictions présentes.


III

Des trois vallées étudiées en 1858, deux, celles de Valleraugue et de Saint-André, présentent des conditions générales à peu près identiques ; celle du Vigan diffère de l’une et de l’autre par sa composition géologique aussi bien que par sa disposition orographique. Toutes trois sont à des hauteurs différentes au-dessus du niveau de la mer. Les climats et l’époque des éducations varient dans la même proportion. Entre les deux premières et la troisième, on trouve ainsi réunies presque toutes les conditions différentielles qu’on a regardées comme pouvant agir sur le développement du mal, et pourtant, dès 1849, toutes trois ont été frappées à la fois, toutes trois ont présenté dans leur envahissement progressif des circonstances identiques. Dès l’abord, dans toutes trois, le mal a manifesté et conservé les deux caractères qui le rendent si redoutable, l’épidémie et l’hérédité.

Mais, en dehors de ces deux traits fondamentaux, tout le reste varie d’une localité à l’autre malgré la presque identité de conditions existant à Valleraugue et à Saint-André, et d’une année à l’autre dans la même localité. Des renseignemens cent fois contrôlés que j’ai recueillis, il résulte que trois écrivains également bien informés, faisant l’histoire de l’épidémie pour chacune de ces vallées de 1849 à 1857, auraient écrit trois livres très différens. De ce que j’ai vu par moi-même, il résulte encore qu’en 1858 trois observateurs également habiles, décrivant avec la même exactitude ce qui se passait sous leurs yeux, auraient tracé de la maladie trois tableaux parfaitement dissemblables. Considéré dans son ensemble, le mal dont souffrent nos chambrées présente donc deux sortes de phénomènes, les uns constans, les autres variables. Pouvait-on les rapporter indifféremment à une cause morbide unique ? Évidemment non ; il devait en exister plusieurs. Démêler le nombre et la nature des causes devait être le premier but des recherches du médecin des vers à soie.

Grâce à mon hôpital, je ne tardai pas à découvrir à quoi tenait l’extrême variété des symptômes tant de fois constatée. Dans les