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Montpellier furent atteints. En 1848, les Cévennes firent leur dernière belle récolte. En 1849, l’insuccès fut général. Dans cette néfaste année, le mal frappa à la fois les Cévennes et le Var, l’Ardèche et l’Isère ; il envahit d’un seul coup plus de deux mille lieues carrées.

Les bassins de la Durance et du Rhône ont été le point de départ de la grande épidémie dont nous esquissons l’histoire, mais n’ont pas été les seuls points primitivement attaqués. Au cœur même des Cévennes, même avant 1843, le petit village de Saint-Bauzile-le-Putois présentait des phénomènes semblables à ceux que nous venons d’indiquer à Cavaillon ; mais là le mal s’arrêta bientôt de lui-même, et tout rentra dans l’ordre normal jusqu’au moment de la grande invasion de 1849. Il n’en fut pas de même à Poitiers, dans la magnanerie de M. Robinet. Ici dès 1841 on voit apparaître successivement presque toutes les principales formes affectées plus tard par le mal. En parcourant les journaux d’éducation que cet habile et consciencieux sériciculteur a bien voulu me confier, en lisant ces notes tracées jour par jour et presque heure par heure, on croit par momens avoir sous les yeux quelqu’une de ces descriptions que je n’ai eu que trop à relire. On voit le mal s’aggraver d’année en année jusqu’au moment où M. Robinet dut fermer l’établissement qui avait rendu tant de services, et d’où était sortie la belle race française des cocons coras.

La France était donc frappée sur trois points différens, alors que les contrées les plus voisines restaient parfaitement intactes. Nos éducateurs s’adressèrent à elles pour avoir des œufs. L’Espagne et le Piémont vinrent d’abord à leur secours ; mais dès 1851 les graines venues de ces deux contrées se montrèrent quelque peu atteintes. On commença à s’adresser presque exclusivement à la Lombardie, et, grâce à elle, nos récoltes grandirent jusqu’à atteindre le maximum de 1853. À leur tour cependant, les graines lombardes s’ébranlèrent. Le mal pénétrait peu à peu jusqu’à elles. En 1855, les grainages furent généralement mauvais en Lombardie, et la France, qui s’approvisionna pourtant presque exclusivement dans ce pays, eut à subir les désastres de 1856. À partir de ce moment, le mal ne s’arrêta plus. Chaque année il fit un nouveau pas. L’Italie méridionale, la Sicile, la Grèce, les îles de l’Archipel succombèrent tour à tour. Dès 1858, les graineurs lombards le rencontrèrent sur les bords de la Mer-Caspienne. En 1859, il a franchi le Caucase et s’est montré, dit-on, au Bengale et jusque sur les côtes de la Chine.

À ne considérer que ce mode de développement et cette marche envahissante du mal, on pourrait déjà déclarer qu’il s’agit d’une épidémie ; mais on peut constater bien d’autres ressemblances. Pour