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d’une érudition curieuse, minutieuse, capricieuse comme toute érudition, et pour laquelle aucun auteur, aucun livre, aucun système, aucun détail n’était insignifiant. On peut même remarquer que, sans négliger les ouvrages et les écrivains de génie, surtout Aristote, qui est évidemment son maître dans l’antiquité, il a recueilli plus de choses précieuses dans la foule que dans l’élite, et il a réparé envers des inconnus l’injustice des siècles.

Ce mérite de Hamilton est un des mérites de son livre. Nous en signalerons un autre : c’est la simplicité, la lucidité et la solidité de l’exposition. Quoiqu’il s’adressât surtout à de jeunes auditeurs, il n’a évité aucune des grandes questions qui rentraient dans son sujet. Les théories profondes et subtiles qui se trouvaient sur son chemin, il n’a cherché ni à les écarter ni à les amoindrir, et il a su donner à la science toute la facilité qu’elle comporte, sans la rendre futile ou superficielle. Sa manière d’écrire même n’est pas devenue brillante ni fort animée, mais elle a pris plus d’aisance et d’agrément. Il s’est un peu départi de cette gravité et de cette brièveté qui rendent l’accès de ses premiers écrits difficile pour les lecteurs ordinaires, et qui semblent toujours supposer qu’on n’a pas un instant à perdre et qu’on entend à demi-mot. Le ton de ses leçons est moins tendu que celui de ses autres ouvrages, et je suis persuadé qu’elles seraient lues aisément, comme un traité élémentaire, par quiconque voudrait y apporter l’intelligence et l’attention nécessaires à ces sortes d’études.

Mais qu’y trouvera ce lecteur attentif et intelligent ? Il faut bien le lui dire sans entreprendre une complète analyse de l’ouvrage. Hamilton était professeur de logique et de métaphysique. Ce double titre semblerait être d’ancienne date, car, s’il était possible autrefois d’associer ensemble ces deux sciences à cause de certains rapports qui unissent la logique et la métaphysique d’Aristote, il serait étrange aujourd’hui d’aller choisir dans le vaste champ de la philosophie, pour en faire l’objet exclusif d’un cours unique, d’une part la science formelle des lois de la pensée considérée dans son activité propre et dans son travail sur ses connaissances, en dehors de ses moyens de connaître et des acquisitions de l’expérience, de l’autre la science de l’être en lui-même, autant que la raison peut le concevoir à l’aide de ses propres principes et des notions qu’elle doit à l’observation. Il y a entre ces deux sciences des lacunes qui ne peuvent être comblées que par la science même de l’esprit humain, et en général il est devenu impossible, sans ce préalable obligé, de philosopher en aucune chose. Personne n’est plus de cet avis qu’un Écossais, personne n’en était plus que Hamilton. On sait que, dans l’usage, le mot de métaphysique devient quelquefois le nom de toute