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Il nous reste à parler de ses leçons, qui viennent de paraître, et que nous devons aux soins réunis de MM. Mansel et Veitch. Cette édition est très bien faite ; elle a demandé un travail ingrat et utile. Dans ses leçons, Hamilton, selon son usage, citait beaucoup, et, contre son usage, il indiquait rarement la source de ses citations. Il mentionnait les diverses opinions des philosophes, en ne donnant souvent que leurs noms. Les renvois exacts aux originaux ou les preuves de ses assertions historiques ont été ajoutés par les éditeurs, et la rectification de quelques légères erreurs de fait ou de texte n’a pas été négligée. Ce point est important, car, grâce à ces informations précises, les leçons de Hamilton pourraient tenir lieu, sur les principales questions de la psychologie, d’une histoire de la philosophie, ou tout au moins d’un catalogue raisonné des divers systèmes dont elle offre le tableau. C’est en effet le mérite original de sir William d’avoir, grâce à son immense lecture, restitué les antécédens de mainte doctrine qu’on croyait nouvelle, qui l’avait paru à son second ou à son troisième inventeur, et il a rendu aux inventeurs véritables, quelquefois même assez obscurs, la part d’honneur bu de responsabilité qui leur revenait. On apprend en le lisant à devenir un peu plus modeste pour la science des temps modernes, et surtout à reconnaître, ce dont on aurait pu se douter par avance, que, l’esprit humain étant aussi vieux que le monde, la philosophie est née plus tôt et s’est continuée plus constamment qu’on ne l’a pensé en général depuis Bacon et Descartes. Dès que ces deux juges impitoyables du passé eurent dit, comme le juge de la comédie :

… Je prétends
Qu’Aristote n’a point d’autorité céans,


on a sans hésiter exécuté la sentence, et on l’a étendue par voie de jurisprudence à tout ce qui avait pensé ou écrit depuis Aristote. Locke, Kant, et bien d’autres, n’ont rien changé à ce dédaigneux système d’oubli inauguré par nos maîtres, et Reid, obligé de revenir sur le passé pour établir la nouveauté de sa doctrine, en renonçant à l’oubli, n’a pas, si on l’ose dire, renoncé à l’ignorance. Du moins cite-t-il, juge-t-il ses prédécesseurs avec une légèreté souvent inexacte, qui ne laisse guère soupçonner une connaissance directe des originaux. Tout a changé sous ce rapport en Écosse avec Hamilton, ainsi qu’en France avec M. Cousin, et comme ils ont fait, chacun de son côté, sans se concerter, sans se copier, cette révolution dans la manière d’étudier, ils l’ont faite chacun à sa manière et suivant le tour de son esprit : M. Cousin en remontant toujours aux grands chefs d’école et en donnant l’exemple ou le conseil d’une interprétation fidèle de leurs œuvres et de leurs idées ; Hamilton au gré