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une grande affliction quand ils songent qu’ils vont perdre les leçons précieuses de Baghavat. Pour les consoler, il leur laisse à sa place le Bodhisattva Maitréya ; il lui met de sa main son diadème sur le front, et le désigne pour lui succéder comme Bouddha sur la terre, lorsque le monde perverti aura perdu tout souvenir des prédications qu’il va lui porter. Alors le Bodhisattva descend dans le sein de sa mère Mâyâ-Dévi, où, pour accomplir une prédiction du Rigvéda, il prend la forme d’un éléphant armé de six défenses, couvert d’un réseau d’or, à la tête rouge, à la mâchoire majestueuse. Cependant des signes précurseurs annoncent sa venue dans le palais de Çouddhodana : les oiseaux y accourent, les jardins se couvrent de fleurs, les étangs se remplissent de lotus, les instrumens de musique jouent d’eux-mêmes, les écrins de perles s’ouvrent, le palais est illuminé d’une splendeur qui efface celle du soleil. Le Bodhisattva est placé dans le sein de Mâyâ-Dévi, les jambes croisées, tourné du côté droit ; là Brahma vient lui rendre visite ; avec sa tête, il salue les pieds de Bhagavat et lui offre une goutte de rosée qui contient, tout ce qu’il y a de vitalité dans les trois mille grands milliers de mondes. À sa suite, les rois des dieux inférieurs, les déesses et tout le panthéon brahmanique viennent se prosterner devant le futur Bouddha, embryon terrestre. Bientôt Mâyâ-Dévi ressent les premières douleurs de l’enfantement ; elle est entourée par les dieux dans le jardin de Loumbini, et elle accouche sous l’ombrage d’un plaksha, debout et appuyée aux branches de l’arbre. Indra et Brahma se tiennent devant elle, et ce sont eux qui reçoivent l’enfant. Il descend à terre et s’assied sur un grand lotus blanc qui pousse à l’endroit même qu’avait touché son pied, puis il fait sept pas vers chacun des quatre points de l’horizon et sept pas vers les régions inférieures, en s’écriant : « Je vaincrai le démon et l’armée du démon ; je verserai le grand nuage de la loi, et les créatures seront remplies de joie et de bien-être ! » Toutes les circonstances de la vie du Bouddha sont dans la légende enveloppées de merveilles. Dans sa retraite d’Ourouvilva, ce ne sont plus les passions qui l’agitent ; elles sont personnifiées dans un démon, dieu de l’amour, du péché, de la mort, qui vient tenter l’ascète, et qui lui livre, avec ses fils, ses filles et des légions de ses hideux serviteurs, des combats gigantesques dont le sage sort victorieux.

Telles sont les broderies dont l’imagination exubérante et bizarre des hommes auxquels s’adressait Çâkyamouni a entouré sa légende » Le Lalitavistâra n’est que de trois ou quatre siècles postérieur au Bouddha ; cependant, si d’autres soutras ne venaient expliquer ou rectifier certaines parties de celui-ci, nous pourrions nous faire une très fausse idée de l’homme et de sa doctrine. C’est ainsi qu’on le