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abattues des remparts qui couvraient les faubourgs, à fermer les brèches, à rétablir les bastions. La population de la ville, qu’animait de sa présence le duc Sforza et qu’enflammait par ses discours Girolamo Morone, l’habile ministre de Sforza, se montra prête à faire tous les sacrifices, à affronter tous les périls, pour ne pas retomber sous la main des étrangers[1]. Elle prit les armes avec non moins d’ardeur que d’ensemble et seconda puissamment l’armée impériale, forte d’environ douze mille hommes de pied et de huit cents chevaux. Milan était en mesure comme en disposition de se défendre, lorsque le général français parut un peu trop tardivement sous ses murailles. Bonnivet s’en approcha sans obstacle : il plaça son camp au sud-ouest, entre la porte qui conduisait au Tessin et celle qui menait à Rome, il mit en batterie ses canons et sembla résolu à tenter un assaut ; mais sa présence et ses attaques ne causèrent dans la ville aucun ébranlement. Il crut qu’une place fermée, ayant pour garnison une petite armée, et dont les habitans étaient devenus des soldats, ne se laisserait pas prendre de force et fournirait une défense insurmontable. Il avait perdu l’occasion de l’enlever par surprise, il songea à s’en emparer par lassitude, et, au lieu de l’assiéger, il la bloqua.

Bonnivet transporta son camp un peu au-dessous de Milan, entre Pavie et Lodi. De cette position, il intercepta du côté du sud et du côté de l’est toutes les communications avec la place, qu’il se proposait de soumettre en l’affamant. À l’ouest, il tenait le cours du Tessin par Abbiate-Grasso et Vigevano, empêchant ainsi l’envoi des vivres qui pouvaient y arriver de la Lomelline. Il fit occuper au nord le fort emplacement de Monza, où il laissa assez de troupes pour inquiéter Milan dans cette direction et pour s’opposer à ce que des subsistances y parvinssent de la Lombardie supérieure. Il rendit ce blocus encore plus rigoureux en détournant les eaux qui entraient dans la ville et en détruisant tous les moulins qui s’élevaient aux environs. N’ayant pas envahi soudainement le duché, Bonnivet était réduit à le conquérir pièce à pièce. Quatre villes avaient été conservées par Prospero Colonna : Milan, où il s’était enfermé lui-même ; Pavie sur le Bas-Tessin, dont il avait confié la garde à Antonio de Leyva ; Lodi sur l’Adda, et, un peu au-dessous de la jonction de l’Adda avec le Pô, Crémone, où il avait envoyé la garnison d’Alexandrie. De ces quatre points qu’il croyait pouvoir défendre, le prudent général italien espérait reprendre tout ce qu’il livrait aux Français lorsque l’ardeur des Français se serait ralentie, lorsque

  1. «… Fu fatto provisione et de artellaria et de repari alli bastioni ; et la città sempre all’ arma di e notte ; .., et el duca, sempre a cavallo, armato, con li gentilomeni andava per la città, tenendola in arma. » Burigozzo, ibid., p. 441. — Galeazzo Capella, lib. III.