Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 26.djvu/110

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cet entretien[1]. Mais si touché que le cardinal ait pu être des dispositions extraordinaires qu’il rencontrait dans ce jeune homme, il ne se doutait pas que ce jour-là il avait devant lui son successeur. De son côté, on peut penser si Mazarin dut être flatté de se voir traité avec cette considération par le plus grand homme d’état de l’Europe, et le 29 janvier 1630 il quittait Lyon pour retourner auprès de Pancirole, emportant dans son cœur une particulière inclination pour la France et pour Richelieu, et décidé à les servir autant que le permettraient ses devoirs envers le saint-siège et envers l’Italie.

Mais que s’était-il passé dans cette fameuse conférence ? Mazarin était venu proposer à Richelieu au nom du saint-père une trêve ou suspension d’armes pendant laquelle on traiterait de la paix. Le cardinal commença par rejeter bien loin une telle proposition, en disant que l’armée française était toute prête à entrer en campagne, que chaque jour de retard serait une dépense énorme et stérile, et semblerait marquer une irrésolution qui enhardirait les ennemis, que si l’on voulait la paix, il fallait la faire sur-le-champ, solide et durable, que rien n’était plus facile si l’on était de bonne foi, la France ne demandant, de concert avec le saint-siège, que la reconnaissance des droits du duc de Mantoue et la loyale exécution du traité de Suze. Mazarin prit la liberté de répondre que pour arriver à la paix il fallait s’en entretenir, et que pour cela une trêve plus ou moins longue était nécessaire. Le cardinal repartit que tous ces préliminaires étaient épuisés, et que la guerre était devenue le seul moyen de conquérir la paix. Et il demanda en souriant au jeune diplomate si, en venant lui parler encore de négociations, il était bien sûr d’avoir le secret de sa cour, que c’était sur l’invitation formelle du pape qu’il avait pris le chemin de l’Italie, qu’à Rome par le ministre de France, le comte de Béthune, le pape le pressait d’agir, et qu’à Paris le nonce Bagni lui tenait le même langage. Sans se troubler, Mazarin répliqua modestement que telles étaient aussi les instructions du cardinal-légat, mais à cette condition qu’on désespérât de là paix ; qu’alors le pape appellerait hautement et publiquement les Français, et considérerait leurs succès comme les siens propres, parce qu’il voulait, tout autant que la France, le triomphe du bon droit et de l’Italie dans la personne du duc de Mantoue. Restait à savoir si on devait absolument désespérer de la paix par des moyens

  1. Mémoires, t. V, p. 385 et 386.