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des chemins de fer et l’adoucissement graduel des prix en toute chose.

Si au contraire nous courions à de nouveaux combats, si la cause première de l’inflammation générale des prix, l’exagération des dépenses militaires, se maintenait, rien ne serait possible, quoi qu’on fasse. Le déficit croissant du budget ne pourrait être comblé que par de nouveaux emprunts, et tous les phénomènes économiques dont nous sommes témoins persisteraient, aggravés encore par la fatigue du marché, le mécontentement de nos manufacturiers, la crise probable de nos industries métallurgiques, l’inquiétude qu’excite la question religieuse, enfin par les chances que ne peut manquer d’entraîner un état de guerre prolongé, quelles que soient la bravoure de nos soldats, l’habileté de nos généraux et la perfection de notre armement.

Ces dangers paraissent conjurés pour le moment; ils ne le seront tout à fait qu’autant que la France voudra bien prendre la peine de veiller sur ses affaires. La constitution actuelle lui en donne les moyens, pourvu qu’elle se décide à en user. Le sénat, le conseil d’état, le corps législatif, ont conservé assez de pouvoir pour rendre impossible ce qu’ils voudront empêcher. Si la liberté économique a porté de si grands fruits en Angleterre, c’est qu’elle s’y développe sous la garantie de la liberté politique : nous ne pouvons attendre les mêmes effets que sous l’influence des mêmes causes. L’usage des droits politiques ne se donne pas, il se prend. Sous toutes les formes de gouvernement, une nation est maîtresse d’elle-même dès qu’elle veut l’être, elle n’a même pas besoin d’un grand effort de volonté, surtout quand il s’agit de conserver le premier des biens, celui qui seul rend possibles tous les autres : la paix. Repoussons donc ce laurier sanglant que, suivant l’heureuse expression de lord Brougham, le tentateur a toujours offert à la race gauloise quand il a voulu la tromper, et le reste nous sera donné par surcroît.


LÉONCE DE LAVERGNE.