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ou le double de ce qu’ils coûtaient autrefois. On veut, dit-on, les ramener à l’état normal; c’est là sans comparaison la meilleure nouvelle qu’on puisse nous donner. La question douanière, ainsi que toute autre question économique, disparaît devant celle-là. 450 millions par an, c’est déjà bien assez pour tenir sur un pied formidable nos forces de terre et de mer; avec un budget militaire de 450 millions, la monarchie de 1830 a conquis l’Algérie, affranchi la Belgique, occupé Ancône, mené à bien les expéditions de Lisbonne, du Mexique et de Maroc, créé enfin cette armée et cette marine qui se sont montrées avec tant d’éclat dans les rudes campagnes de Crimée et d’Italie.

N’examinons pas si les 450 millions annuels dépensés en sus depuis cinq ans ont porté des résultats proportionnellement supérieurs, et si la France n’aurait pas mieux fait, même dans l’intérêt de sa puissance extérieure, d’employer chez elle à des chemins de fer les 2 milliards et demi que lui coûtent les deux dernières guerres. Ce sont là des faits accomplis. Contentons-nous de dire que, si 450 millions par an font réellement retour à l’avenir aux travaux paisibles de l’agriculture et de l’industrie, ils constitueront la plus magnifique subvention qui puisse leur être accordée. Tout devient possible alors, tout devient facile. Il n’y a plus à s’occuper de diriger les capitaux vers les travaux productifs; ils y vont d’eux-mêmes. L’agriculture surtout, qui a souffert la première du manque de bras et d’argent, sera la première à se relever, quand cette gigantesque saignée cessera de l’épuiser.

On se plaint avec raison que les fonds français soient à une si grande distance des fonds anglais. Notre 3 pour 100 a beaucoup de peine à se maintenir à 70 francs, quand le 3 pour 100 anglais reste à 95. Cette affligeante infériorité tient à plusieurs causes, dont la principale est sans contredit l’usage immodéré qu’on a fait du crédit public pour subvenir aux dépenses militaires. Que l’équilibre du budget se rétablisse par la réduction annoncée, et tout nouvel emprunt devenant inutile, nos fonds publics reprendront leur élasticité et entraîneront avec eux toutes les valeurs, soit mobilières, soit immobilières. Les compagnies de chemins de fer, qui se plaignent de ne pouvoir emprunter qu’à un taux excessif, verront hausser le prix de leurs obligations quand l’état cessera de leur faire concurrence par ses propres émissions. L’intérêt de l’argent, surexcité par d’énormes emprunts contractés à des taux onéreux, baissera naturellement partout quand le grand-livre sera fermé, et à une situation violente, pleine de périls, succédera une situation naturelle, détendue, qui pourra faciliter la transition de nos industries vers un régime plus libre, l’abaissement des frais de transport, l’exécution