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naires à des revenus qui s’élèvent pour certains chemins jusqu’à 25 pour 100 du capital d’émission, et qui ont doublé ou triplé la valeur des actions primitives. Comment revenir sur ces bénéfices, qui constituent à leur tour une autre sorte de droits acquis? Quand on est une fois sorti à ce point du régime de la libre concurrence, il est bien difficile d’y rentrer. Le gouvernement ne peut même pas avoir recours, pour vaincre la résistance possible des chemins de fer, à des concessions de voies nouvelles, car les compagnies ont absorbé d’avance les chemins à faire comme les chemins faits, et on éprouve déjà quelques difficultés à trouver l’argent nécessaire pour les travaux concédés.

Il n’y a pas de labyrinthe sans issue. On peut espérer qu’à l’aide de concessions mutuelles, tout finira par s’arranger. Probablement le trésor public paiera la plus grande partie des frais du rapprochement, soit par la suppression de l’impôt récemment établi sur les valeurs mobilières, soit de toute autre façon. S’il ne doit nous en coûter que l’impôt sur les valeurs mobilières, ce ne sera pas un bien grand malheur, car on n’y perdra qu’une vaine tracasserie qui rapporte au trésor public un pauvre revenu. Si, au contraire, nous ne devions acheter une réduction dans les tarifs des lignes existantes qu’en sacrifiant ou en retardant quelques-unes des lignes à construire, ce serait la payer trop cher. Les contrées qui n’ont pas encore de chemins de fer y perdraient plus que n’y gagneraient les autres. Avant tout, il faut diminuer la distance toujours croissante qui nous sépare des Anglais, des Belges, des Allemands, pour l’extension de nos voies ferrées.

Que dire de cette partie du projet qui consiste à faire des prêts à l’agriculture et à l’industrie? Nous entrons ici dans un ordre d’idées tout différent, et même opposé. La théorie économique repousse ce mode d’intervention de l’état dans les intérêts privés. Le fameux prêt des 100 millions pour le drainage n’a pas si pleinement réussi qu’il constitue un précédent bien favorable. La loi a été votée en 1856, et les prêts effectués jusqu’à ce jour sur les 100 millions n’arrivent pas à 500,000 francs. Attendons les nouveaux projets de loi pour nous rendre compte de ce qu’on veut faire.

Remarquons cependant dès à présent qu’avec la meilleure volonté du monde, l’état ne peut pas prêter à tous ceux qui ont besoin d’emprunter. Il faut donc établir des catégories, des exceptions, des privilèges, et comme l’état ne peut disposer que de l’argent des contribuables, il faut en définitive qu’il prenne à tous pour donner à quelques-uns. Là est le vice radical de ces combinaisons artificielles; elles finissent toujours par tourner au profit des mieux placés et des plus remuans, aux dépens de la généralité du public. Telle n’est