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n’a jamais été considérée comme nécessaire. Tant qu’il y aura des impôts établis sur les denrées d’origine française, il est juste d’en établir aussi sur les denrées d’origine étrangère. On a toujours reconnu qu’un droit fiscal de 5 pour 100 sur les matières premières n’avait rien que de légitime[1], La législature est restée libre pour ce qui concerne le droit actuel sur la laine et le coton, dont la suppression n’est pas stipulée dans le traité. Cette suppression priverait le trésor d’une vingtaine de millions par an, drawbacks déduits, sans compensation possible. Une simple réduction vaudrait peut-être mieux.

On range depuis quelque temps dans les objets de première nécessité les sucres et les cafés. Ce n’est pas ainsi qu’on les avait considérés jusqu’ici; on avait cru pouvoir les imposer fortement, comme objets de luxe. Le droit perçu doublait la valeur de la denrée, et le revenu annuel du trésor s’élevait à cent millions sur les sucres et à trente millions sur les cafés. Il s’agit maintenant, dit-on, de réduire le droit de moitié, ce qui constituerait le trésor en perte de soixante-cinq millions par an; mais ce déficit serait probablement regagné assez vite, car une diminution d’un quart sur le prix vénal des sucres et des cafés ne pourrait que donner un nouvel essor à la consommation, qui a déjà décuplé depuis 1815 malgré les droits élevés. Ici l’amélioration serait réelle. Il y a d’ailleurs, pour les sucres surtout, une considération décisive. Nous consommons trois sortes de sucre, le sucre colonial, le sucre étranger, le sucre indigène. Le droit perçu sur chacun des trois devra évidemment être réduit dans la même proportion. Or le transport des sucres coloniaux et étrangers a une importance de premier ordre pour notre navigation maritime, et l’importance agricole des sucres indigènes est plus grande encore. En facilitant la consommation du sucre, on donnera un sérieux encouragement à deux de nos principales industries, l’agriculture et la navigation. Cette réduction était depuis longtemps demandée, elle ne pouvait manquer d’arriver. Comme pour le coton, la question est toute fiscale et n’a rien de commun avec la protection.

Passons maintenant aux produits manufacturés, les seuls qui soulèvent la question du système protecteur.

D’abord se présentent les prohibitions. Malgré des améliorations successives, nous frappons encore d’exclusion absolue les fils et tissus de laine, les fils et tissus de coton, les vêtemens confectionnés, les peaux préparées, les plaqués, la coutellerie, la poterie, les verres et cristaux, les voitures suspendues, la tabletterie, etc. Il n’y a qu’un

  1. Il doit nous être permis de rappeler que nous avons déjà exprimé les mêmes idées dans la Revue du 1er mai 1856 : la Liberté commerciale.