Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/912

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secours à Paris, en annonçant que, hors d’état de se défendre, elles se rendraient à l’ennemi dès qu’il arriverait sous leurs murailles. Paris n’était pas dans un effroi moins grand. Le prévôt des marchands et les échevins dépêchèrent en poste un messager à Lyon, pour avertir le roi du danger où était la capitale du royaume. Les quarteniers et les dizainiers allèrent de maison en maison afin d’enrôler les habitans qui devaient prendre les armes et garder la ville. On s’attendait chaque jour à voir déboucher les Anglais et les Flamands dans la plaine de Saint-Denis, et, pour mieux entendre tous les bruits qui avertiraient de leur approche, il fut interdit de sonner les cloches à la solennité de la Toussaint[1].

Le 1er novembre, le duc de Vendôme arriva dans Paris, où Chabot de Brion était entré la veille. François Ier les y avait envoyés l’un et l’autre de Lyon, celui-ci afin de raffermir les habitans et de faire prendre sur-le-champ les mesures nécessaires à la sûreté de la ville, celui-là pour en être le gouverneur à la place de son frère, le comte de Saint-Paul, qui était à l’armée d’Italie. Brion, le jour même de son arrivée, se présenta au parlement, qu’il convoqua extraordinairement de la part du roi[2]. Il y exposa avec une patriotique véhémence tout ce qu’avait de criminel et de dangereux la trahison du connétable, devenu l’ennemi du royaume comme du roi, puisqu’il menaçait l’intégrité de l’un ainsi que la couronne de l’autre. Il prétendit même que l’empereur, le roi d’Angleterre et le duc de Bourbon avaient projeté de partager le royaume quand le roi aurait passé les monts, que le duc de Bourbon devait faire couronner le roi d’Angleterre dans Paris, qui serait compris au lot de ce prince avec l’Ile-de-France, la Picardie, la Normandie et la Guienne, qu’à l’empereur demeureraient la Bourgogne, la Champagne, le Lyonnais, le Dauphiné, le Languedoc et la Provence, que le duc de Bourbon aurait le Poitou, l’Anjou, le Maine, la Touraine, le Berri, l’Auvergne, réunis à ses pays patrimoniaux, avec 150,000 écus d’or que lui paieraient l’empereur et le roi d’Angleterre, qui le reconnaîtraient et le laisseraient régent en France. Après avoir affirmé, au nom du roi, les particularités supposées de ce dépècement du royaume, afin de rendre plus odieux le grand traître et les ennemis invétérés auxquels en était attribué le dessein, Chabot de Brion annonça que le roi s’occupait à délivrer ses frontières envahies. Il fit connaître les mesures militaires qu’il avait prises, et il insista principalement sur l’importance qu’il attachait à la possession de Paris : « Le seigneur roi, dit-il, plutôt que de perdre Paris, aimeroit mieux se perdre lui-même. Il

  1. Journal d’un Bourgeois de Paris, p. 174 à 178.
  2. Relation de cette séance dans les Mss. Clairambault. Mélanges, vol. 36, f. 8729.