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vigilance défiante et fit surveiller la ville par le guet, qui fut relevé trois fois dans la nuit.

Le connétable était malade, et il affectait de l’être encore plus qu’il ne l’était. François Ier eut avec lui un entretien dans lequel il ne lui cacha point ce qu’il avait appris de ses criminelles relations avec les ennemis de l’état et les siens. Sans les nier, le connétable les atténua. Il prétendit que l’empereur l’avait fait rechercher en lui envoyant un de ses serviteurs, mais il assura qu’il avait rejeté ses offres. Il désavoua donc son mariage avec la sœur de Charles-Quint et son alliance avec les ennemis du royaume. François Ier, sans peut-être ajouter une foi entière à son désaveu, s’en contenta. On lui conseillait de le faire arrêter comme un conspirateur et comme un traître; il ne le voulut point, soit qu’il craignît l’effet que produirait l’emprisonnement du second prince du sang, soit qu’il ne crût pas pouvoir établir suffisamment sa trahison, soit plutôt qu’il espérât le ramener en lui témoignant de la confiance et en le traitant avec cordialité. Préférant l’indulgence à la rigueur, il affecta une générosité habile, quoiqu’un peu tardive. Il promit au connétable la restitution de ses biens, si le parlement lui était défavorable dans son arrêt, et lui offrit, en l’emmenant de l’autre côté des Alpes, de partager avec lui le commandement de l’armée, dont chacun d’eux conduirait une moitié[1]. Il croyait apaiser par là cette âme farouche, guérir ce cœur ulcéré, gagner cet esprit superbe. Il se flattait surtout de rompre ses desseins, quels qu’ils fussent, et de prévenir tout danger de sa part en rendant par sa présence en Italie sa défection impossible en France. C’est ainsi qu’il partit de Moulins, après s’être assuré que le connétable, qui se montra soumis et reconnaissant[2], le suivrait bientôt à Lyon. Il fit cependant demeurer auprès de lui La Roche-Beaucourt, qui ne devait pas le quitter avant qu’il fût prêt à se mettre en route, et ce qui prouvait que François Ier avait moins de confiance qu’il n’en montrait, c’est qu’il laissa derrière lui le bâtard de Savoie et ses lansquenets comme pour couvrir sa marche.

Le connétable de Bourbon avait promis d’accompagner le roi en Italie et de le joindre à Lyon sans avoir l’intention de tenir sa promesse. Il se sentait trop engagé avec l’empereur pour rompre avec lui. Beaurain avait porté en Espagne le traité signé de sa main, et Saint-Bonnet, qui devait accompagner Beaurain, étant revenu de Gênes sans avoir rempli sa mission, le connétable avait fait partir deux des siens pour se rendre, l’un par la voie de Bayonne, l’autre par la voie de Perpignan, auprès de Charles-Quint, avec des lettres

  1. Ce qu’il lui fit répéter par Perot de Wartliy. — Déposition de Perot de Warthy du 15 septembre. — Mss., f. 28 v°.
  2. Interrogatoire de Popillon. — Ibid., f. 167 v°.