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en sorte que le corps et l’esprit participent de la même dégradation.

L’idiotie congéniale et les monstruosités nous apparaissent comme les types les plus caractéristiques des dégénérescences natives. L’homme apporte souvent en naissant le principe de la dégradation qui doit l’atteindre à un certain âge. En vain il change de lieux, en vain il se conforme à un régime propre à maintenir sa santé ; le germe du mal subsiste toujours, et à un certain moment il se développe au détriment de l’intelligence et de l’économie. L’enfant était prédestiné à n’être qu’une créature imparfaite et abâtardie ; une crise se manifeste, et il est comme retranché de l’humanité.

Qu’au sein de la mère l’évolution de l’embryon ne s’opère pas suivant les lois normales, que la femme enceinte soit victime d’un accident, qu’elle contracte une maladie grave ou se trouve sous l’empire d’un trouble plus ou moins prolongé, l’enfant qu’elle mettra au monde gardera toute sa vie l’empreinte indélébile de la perturbation produite durant la grossesse. Bien qu’en opposition avec la marche ordinaire de la nature, la formation des monstres et des êtres imparfaits s’opère d’après certaines lois ; elle est dans une dépendance étroite et nécessaire du genre d’accident qui l’amène. C’est ce qu’a démontré M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dans son excellente Histoire des anomalies. Les lois suivies par la nature jusque dans ses aberrations sont si fatales que l’on peut presque à volonté produire telle ou telle anomalie, en faisant varier à dessein les conditions défavorables où l’embryon se trouve placé. M. I. Geoffroy Saint-Hilaire a expérimenté cette loi pour les oiseaux, dont il troublait de diverses manières le développement pendant les premiers jours de l’incubation.

Le sein de la mère devient le siège de véritables métamorphoses d’autant plus complètes que la période intra-utérine est moins avancée. Les appareils, les organes sont, suivant les circonstances perturbatrices, retardés dans leur développement, ou développés d’une manière anomale et excessive ; c’est ainsi que le cerveau, les os du crâne se trouvent parfois dans l’impossibilité de prendre la forme et les dimensions nécessaires au jeu régulier de l’intelligence, que l’épine dorsale est arrêtée dans sa formation et sa croissance. L’enfant naît idiot, imbécile, hydrocéphale ou rachitique, et dès les premiers jours, dès les premiers mois de l’existence, il donne les signes de la dégénérescence qui doit l’atteindre. Une fois le cerveau et le système nerveux étiolés, contrariés dans leur action, troublés dans leurs relations mutuelles, des désordres souvent plus graves s’étendent à toute l’économie, et l’idiotie n’est alors que le premier symptôme d’une dégradation qui frappe le type humain tout entier. L’idiot au dernier degré végète et meurt prématurément. On a rapporté des cas d’idiotie dans lesquels les instincts les plus