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III.

François Ier avait achevé les grands et coûteux préparatifs de l’expédition qu’il devait cette fois conduire lui-même. Il avait tiré de l’argent de partout, fait des emprunts à l’Hôtel-de-Ville de Paris, aliéné les biens de la couronne, pris l’or et l’argent qu’il avait trouvés dans les églises, mis sur le peuple de plus pesantes charges, mécontenté les gens de justice et de finance en multipliant les créations d’offices qui grossissaient leurs rangs d’acheteurs ignorans ou avides dont l’adjonction diminuait leur importance ou leurs profits. Il avait concentré vers l’est la partie la plus considérable de ses troupes, sous les ordres de l’amiral Bonnivet, qui l’avait précédé à Lyon et qui le devança en Italie. Il avait envoyé Lautrec en Gascogne et Lescun en Languedoc pour y défendre ces deux frontières contre les Espagnols, si les Espagnols y descendaient par la Navarre ou le Roussillon. Il opposait des forces assez médiocres à l’empereur du côté des Pyrénées, mais il comptait détourner Henri VIII d’une agression en Picardie ou en Normandie par des attaques qui le retiendraient dans son royaume. Il le menaçait d’une tentative de révolution dynastique par l’envoi de Richard de La Poole, dernier représentant de la maison d’York, et il expédiait sur une flotte, avec des soldats et de l’argent, le duc d’Albany, qui, débarqué à Edimbourg, devait, à la tête d’une armée écossaise, marcher contre la frontière septentrionale de l’Angleterre.

Avant son départ, François Ier suivi de la reine Claude, sa femme, de la duchesse d’Angoulême, sa mère, et de toute sa noblesse, alla à Saint-Denis invoquer pour ses armes l’appui du patron de la France[1]. Il se prosterna pieusement devant la châsse du saint exposée sur l’autel de la vieille basilique, comme aux jours des grands dangers et des solennités patriotiques. Le lendemain, revenu à Paris, il se rendit processionnellement du palais des Tournelles à la Sainte-Chapelle, pour y faire ses dévotions et visiter les reliques qu’y avait apportées d’Orient le plus religieux et le plus vénéré de ses prédécesseurs. Il n’avait pas quitté Paris sans paraître à l’Hôtel-de-Ville, prendre congé du prévôt des marchands et des échevins, les remercier de l’aide qu’il avait obtenue d’eux pour ses guerres, leur recommander les intérêts du royaume et l’obéissance envers sa mère, qu’il laissait régente. Il partit ensuite pour se rendre à Lyon, en séjournant à Fontainebleau, et fut accompagné jusqu’à Gien par la reine Claude et la duchesse d’Angoulême, qui s’embarquèrent sur la Loire et descendirent vers Blois.

  1. Le 23 juillet 1523. — Journal d’un Bourgeois de Paris sous François Ier, p. 139.