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la France, était au fond séparée du royaume. Unie d’abord à la maison d’Autriche, puis aux maisons de Castille et d’Aragon, toutes représentées alors par Charles-Quint, qui en était le commun héritier, elle avait cessé d’être dangereuse au dedans, bien que du dehors elle restât toujours menaçante. Le souverain des Pays-Bas ne pouvait plus troubler la France par des soulèvemens, il ne pouvait l’attaquer que par la guerre. Si les rois d’Angleterre, dans leurs descentes sur le continent, devaient rencontrer encore l’appui de ses armées, ils n’avaient plus à compter sur les forces de provinces dissidentes comme la Bourgogne ou la Bretagne, sur les mouvemens d’une capitale insurgée comme Paris, sur les prises d’armes d’un parti féodal comme la faction bourguignonne.

Mais ce danger pouvait renaître par la révolte et à l’instigation du chef de la grande maison qui se maintenait encore au centre du royaume. Le duc de Bourbon vivait en vrai souverain dans ses immenses domaines. Il tenait à Moulins une cour brillante. Il y était entouré de la noblesse de ses duchés et de ses comtés, qui lui conservait le dévouement féodal. Il avait une nombreuse garde ; il levait des impôts, il assemblait les états du pays, il nommait ses tribunaux de justice et sa cour des comptes ; il pouvait mettre une armée sur pied, il entretenait sur plusieurs points de son territoire des forteresses en bon état, et lorsqu’il cessait de vivre, ses restes étaient portés avec une pompe toute royale dans les caveaux de l’abbaye de Souvigny, qui était pour les ducs de Bourbon ce que l’abbaye de Saint-Denis était pour les rois de France. A la mort du duc Pierre en 1503, on avait vu près de dix-sept cents officiers de sa maison[1] l’accompagner jusqu’à la célèbre nécropole bénédictine qui s’élevait à deux lieues des tours de Bourbon-l’Archambault, et qui ne devait pas recevoir les dépouilles exilées du connétable, son successeur et son gendre.

Celui-ci, monté au trône ducal sous le nom de Charles III, y était arrivé et comme représentant mâle de la deuxième ligne de la maison de Bourbon et comme mari de l’héritière directe de la première ligne restée sans descendance masculine. Il appartenait à la branche cadette des Bourbon-Montpensier, et il avait épousé Suzanne de Bourbon, fille unique du duc Pierre et d’Anne de France, en qui prenait fin la branche aînée, jusque-Là régnante. Il avait obtenu toutes les possessions de la maison de Bourbon en réunissant les droits des deux branches. A l’office de grand-chambrier de France, héréditaire dans la maison de Bourbon, il avait joint l’office de con-

  1. Histoire de la Maison de Bourbon, par Désormeaux; in-4o, Paris, Imprimerie royale, 1776; t. II, p. 367.