Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/865

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

puis quelques années, mais sur une petite échelle; quelques dépôts de lignites, qui apparaissent dans certains endroits de l’Ukraine, pourront peut-être sinon alimenter les machines, du moins fournir quelque appoint à la consommation. Quant aux combustibles tourbeux, ils existent en abondance, mais ils s’épuisent vite et ne se reproduisent que lentement; ils n’ont pas d’ailleurs été jusqu’à présent l’objet de recherches suffisantes.

Le gouvernement a depuis longtemps songé à prévenir la crise industrielle que le déboisement prépare à la Russie méridionale. Dès 1828, un ukase a garanti à tout paysan de la couronne qui planterait un arbre ou une vigne dans une toise carrée la propriété de cette toise exempte d’impôts pendant dix ans; mais la plantation des arbres donne des revenus si tardifs, que les habitans n’ont pas compris l’avantage de cet ukase : le Russe aime à jouir promptement, et les habitudes du peuple nomade n’ont point encore tout à fait disparu en lui. Tant que les habitans ne seront pas attachés au sol par leur intérêt personnel et l’amour de leurs propriétés, ils ne construiront rien de solide, à plus forte raison ne s’occuperont-ils pas du reboisement, culture coûteuse, puisqu’elle ne rapporte que dans un avenir éloigné. Comment un fermier songerait-il à planter une forêt sur un domaine d’où il pourra être évincé à l’expiration de son bail? Le reboisement ne peut être opéré que par des peuples que retiendront au sol les liens puissans de la propriété et de l’hérédité. Une autre circonstance s’oppose encore à la plantation des forêts, c’est le haut intérêt de l’argent, qui ne pourra diminuer que le jour où l’introduction de bonnes méthodes agricoles, doublant le produit des terres, rendra inutile le secours de l’argent étranger au pays.


IV. — LA PRODUCTION INDUSTRIELLE.

L’élan pacifique de 1815 eut son retentissement en Russie comme dans le reste de l’Europe. Moscou, que le peuple russe s’imagine encore avoir été détruit par les Français, Moscou, la ville sainte, put renaître de ses cendres, mais en se transformant, et, grâce à l’industrie manufacturière, elle s’apprêta à recommencer une vie nouvelle. Malgré les difficultés que créaient à la Russie l’inexpérience des populations, le haut prix d’établissement des usines, des matières premières, et surtout le défaut de voies de communication, l’industrie prit en quelques années un tel développement, que dès 1822 le gouvernement crut devoir renoncer au système de prohibition absolue. On établit un tarif protecteur des intérêts indigènes, mais favorable à l’introduction des machines et des denrées exotiques. Les tarifs douaniers successivement publiés par le gouvernement sont une preuve remarquable des progrès accomplis par