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conque était convaincu d’avoir mangé de la chair de veau. Enfin la production du laitage est encore paralysée par certaines prescriptions religieuses : le régime du lait et de ses composés, considérés comme alimens gras, est prohibé par le dogme de l’église russe, en sorte que le peuple est privé de cette nourriture pendant les jours maigres et les carêmes, si nombreux dans le rite grec. L’huile remplace le beurre et la graisse dans l’alimentation des habitans, et cette observance, qui convenait assez à un pays couvert d’oliviers, a conservé son rigorisme dans une nation où la culture des plantes oléagineuses est à peu près inconnue. Du reste, cette prohibition existait dans les premiers temps du christianisme, et les catholiques romains eux-mêmes s’abstiennent en Russie de laitage pendant le carême.

La valeur du bétail subit depuis quelques années une augmentation continue. Une bonne paire de bœufs de travail se vend 300 fr., une vache moyenne 120 fr.: la viande de boucherie n’a pas une grande valeur, car c’est toujours du bétail maigre qu’on abat. Les travaux d’agriculture, les transports se font principalement par les bœufs. L’une des principales sources de revenus de l’agriculture dans la Russie méridionale est celle des cuirs et des suifs; on abat une énorme quantité de bêtes à cornes uniquement en vue de la dépouille. C’est en automne que cette destruction a lieu; la viande est à peu près perdue : on en fait toutefois un extrait qui a la couleur du chocolat, et que l’on vend sous le nom de tablettes de bouillon.

Les forêts couvraient autrefois, dans la Petite-Russie, de grands espaces, transformés depuis en terres labourables. A l’époque où les arts industriels s’introduisirent dans cette fertile région, la valeur des forêts était à peu près nulle ; mais les besoins des distilleries, des sucreries et des autres fabriques à vapeur en firent hausser le prix. Le bois est jusqu’à présent le seul combustible employé à la production de la vapeur, et les usines ont fait, depuis une vingtaine d’années, une espèce de vide autour d’elles. Aujourd’hui la rareté du combustible menace l’industrie d’une crise inévitable. Toutefois les grandes variations des prix pourront protéger les usines de quelques contrées pendant longtemps encore. Ainsi dans certaines fabriques le bois coûte seulement deux ou trois francs le stère, tandis que dans les usines qui ont éclairci les forêts autour d’elles, le prix du stère monte à huit francs. Les chemins de fer viendront bientôt ajouter leur énorme consommation à celle des usines et amoindrir encore les ressources du combustible. Le sol géologique de la Russie, qui contient tant de richesses, est assez médiocre sous ce rapport. Les terrains houillers ne se présentent que dans les Monts-Ourals et sur de faibles étendues; le bassin du Donetz, qui appartient à la formation devonienne, contient des anthracites qu’on exploite de-