Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/85

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les membres trapus, le cou gros et court, le crâne volumineux, la face aplatie ; d’autres se distinguent au contraire par l’élancement du tronc, la gracilité des membres, la longueur et la flexibilité du cou, les formes anguleuses du visage.

La distinction à établir entre les crétins ne tient pas seulement à cette différence dans leur conformation ; elle résulte aussi du caractère propre qu’un grand nombre de crétins présente. Tandis qu’il en est où l’on ne retrouve guère que le cachet ordinaire de l’idiotie empreint sur une constitution cachexique et scrofuleuse, d’autres offrent dans leur organisation, dans leur cerveau et leurs membres, un véritable arrêt de développement, ainsi que l’a remarqué le docteur Baillarger. Chez ces infortunés, l’évolution des organes n’a pu s’opérer qu’incomplètement, les formes générales du corps sont celles de très jeunes enfans ; la dentition est retardée, le pouls conserve la fréquence qu’il a dans le premier âge, la puberté n’est jamais apparue, ou n’a commencé que fort tard ; les inclinations, les goûts demeurent ceux de l’enfance même bien après l’âge adulte. Il existe une telle dépendance entre les organes et la forme revêtue par l’intelligence qu’il suffit d’un changement artificiel d’âge ou de sexe pour que l’esprit prenne immédiatement la tournure et les habitudes propres à l’âge ou au sexe auxquels on a en quelque sorte ramené les organes. On sait que chez les eunuques les tendances de la femme se manifestent du moment que les attributs de la virilité disparaissent. L’amour des petits enfans et le goût des chiffons ont été observés chez tous les eunuques ; leur physionomie est celle de vieilles femmes, de femmes qui ont perdu le charme de leur sexe sans en avoir jamais présenté ni l’attrait ni l’éclat. De même les crétins arrêtés dans leur développement demeurent, par une sorte de castration à laquelle les condamne la nature, de petits enfans à l’âge d’homme. Ils sont même au-dessous de l’enfance, car leur intelligence ne sait ni s’enrichir ni se fortifier : les uns sont des êtres muets, privés de raison comme de voix articulée ; d’autres peuvent proférer des sons intelligibles, parler même, mais leur langage trahit l’imbécillité de leur esprit. Il semble que, toute grossière qu’elle soit, cette faculté de penser ne s’exerce qu’avec peine et produise en eux une extrême fatigue, car, d’après l’observation d’un médecin italien, Maffei, plusieurs fois par jour, et comme périodiquement, leur intelligence tombe dans un état de torpeur, et tout acte mental est alors chez eux suspendu. Parvient-on à dresser quelques crétins, ceux dont l’intelligence est moins obtuse, à une occupation régulière et déterminée, ils ne s’en acquittent qu’automatiquement. Le moindre obstacle qui se présente, la moindre difficulté qu’ils rencontrent, suffit pour leur faire abandonner le travail ; jamais leur conception ne s’élève