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gieuses dont les peintures sur émail imitent la mosaïque. Une basquine en toile rouge descend jusqu’aux genoux; la jupe très courte, ordinairement blanche, sériée à la taille par une écharpe de laine rouge, laisse passer le tour brodé de la chemise. Les jambes, le plus souvent nues jusqu’au-dessus du mollet, sont quelquefois chaussées de grandes bottes en maroquin rouge ou jaune; mais si les villageoises découvrent presque toujours leurs jambes, elles ont grand soin de cacher leurs bras jusqu’aux poignets. Tel est le costume éclatant des jours de fête. On se rappelle devant cette parure l’ancienne splendeur des vêtemens de la Perse ou de l’Egypte, et c’est peut-être au culte de l’église grecque, qui a toujours gardé les goûts iconophiles de l’ancienne patrie, qu’il faut attribuer la conservation de cette mode antique.

Les filles se marient.de très bonne heure, et dès que le mariage est consommé, l’épouse doit cacher ses cheveux sous un turban, le platoke. Autrefois même on coupait la chevelure de la mariée, et l’on redit encore une chanson où une fiancée dépouillée de ses belles nattes exprime ses regrets avec une grâce touchante :


« O mes nattes, mes beaux cheveux dorés! — ce n’est pas une, ce n’est pas deux années, — ce n’est pas deux années que je vous ai tressées. — Chaque samedi je vous baignais, — chaque dimanche je vous ornais, — et aujourd’hui dans une heure il faut vous perdre! »


Il arrive même que les paysannes qui n’ont point eu la patience d’attendre le sacrement sont soumises, dans une cérémonie bizarre, à l’humiliation de la coiffure du platoke. Les filles et les garçons du village se rassemblent ordinairement un jour de fête : ils vont chercher la pauvre malheureuse, ils l’entraînent malgré ses pleurs, et après avoir dénoué ses nattes et retiré les rubans, ils la coiffent du platoke, qu’il ne lui est plus permis de quitter. D’ordinaire, le complice de la pauvre victime, qu’on appelle désormais pokritka[1], intervient dans la cérémonie et fournit le mouchoir, ce qui indique qu’il est prêt à réparer sa faute, et qu’il accepte l’union qui fera disparaître l’ignominie du châtiment. A vrai dire, rien ne distingue une jeune fille d’une femme, si ce n’est le platoke. Ce turban est un châle de laine ou de coton comme celui que portent nos paysannes sur leurs épaules, mais qui, roulé autour de la tête de façon à s’élargir, rappelle un peu le kolback d’un tambour-major. L’époux offre le platoke à sa fiancée, comme chez nous on offre le châle des Indes, qui, rendu à sa destination primitive, ne devrait être qu’une coiffure.

Les mariages se célèbrent avec des cérémonies naïves dont l’ori-

  1. Voyez l’histoire d’une Pokritka dans la Revue du 1er novembre 1856.