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les cultures. Les maisons des paysans sont dispersées dans un espace souvent considérable ; chaque habitation est isolée et séparée de sa voisine par une clôture en planches ou en branchages. Les villages de la Grande-Russie consistent au contraire en deux lignes de maisons serrées les unes contre les autres et toutes bâties sur le même plan ; chaque village n’a qu’une seule rue, et quelquefois un seul côté : cette symétrie ne tarde pas à sembler monotone et même triste. Aussi, sous ce rapport, les villages de la Petite-Russie offrent-ils un aspect plus réjouissant et plus pittoresque. L’étendue de l’enclos qui renferme chaque famille varie suivant les lieux et aussi suivant le caprice des propriétaires ou des intendans. Dans les bonnes propriétés, la chaumière se trouve au centre d’un terrain d’environ 10 ares qui constitue le jardin potager de la famille. La végétation est ordinairement très vigoureuse dans ces jardins ; on y voit des arbres fruitiers, des tournesols, des cucurbitacées, du maïs, des fleurs aux couleurs éclatantes. Le Petit-Russien aime beaucoup les fleurs, et les jeunes filles s’en font d’agréables parures. Les maisons, bâties sur un plan uniforme, n’ont qu’un rez-de-chaussée composé de deux pièces d’environ cinq pas en tout sens; le four sépare ces deux chambres, et la cheminée sort du milieu d’un toit surbaissé, couvert en chaume, dont les deux faces sont abattues en forme de pavillon. Chaque pièce est éclairée par une fenêtre large tout au plus d’un pied carré. Cette disposition, qui a l’inconvénient de diminuer la lumière, est appropriée aux exigences du climat : elle préserve du froid pendant l’hiver, de la chaleur pendant l’été. Comme les paysans ignorent l’emploi des lits et qu’ils se couchent sur le sol, sans jamais quitter leurs habits, ils n’éprouvent pas le besoin d’avoir des chambres spacieuses, et le logement de toute une famille ukrainienne n’est guère plus grand qu’une couchette de paysans du Poitou. La voûte du four est disposée en plate-forme, de façon à servir de lit à trois ou quatre personnes. Quelques pots en terre représentent toute la vaisselle : un banc sert de table à toute la famille ; la cuisine se prépare dans le four, et on s’assied sur le sol pour prendre le repas. Le berceau des enfans, suspendu à une solive du plafond, se balance au milieu de la chambre, et quelques tableaux religieux peints sur bois complètent l’ornementation intérieure. On blanchit les chaumières à l’extérieur au moins deux fois par an, et c’est un usage presque religieux de les badigeonner à la chaux la veille des grandes fêtes. Des plantes grimpantes couvrent les murs pendant l’été, et donnent à ces maisonnettes, construites en bois ou en pisé, une physionomie assez gaie. Chaque paysan édifie sa demeure et l’entretient à ses frais; mais le propriétaire accorde ordinairement la permission de prendre dans ses forêts le bois nécessaire. Une pareille habitation