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qu’aucune femme ne l’a jamais été de la plus large indépendance. Son père, qui ne reconnaît plus dans la femme aux pensers graves, à l’activité bienfaisante, la Dora d’autrefois, insouciante, indolente, souvent perdue en rêveries sans but et sans profit, s’étonne de la voir si changée. Il en cherche la cause, qu’elle ne lui laisse pas ignorer, heureuse de confesser hautement le nom de celui pour qui elle s’est ainsi transformée. « Je suis sûr, lui dit-il alors, que vous me quitterez quelque jour pour aller épouser votre Urquhart?... » Et comme, hésitant, elle ne répond que par le silence : « Attendez au moins jusqu’à ma mort! » reprend le vieillard attristé.

Renonçant à son emploi dans l’armée, — emploi qu’il trouve trop relevé, trop peu rude pour l’expiation à laquelle il s’est voué, — le docteur est maintenant le médecin d’une prison. Francis Charteris, l’ancien prétendu de Pénélope, continuant la vie de désordres qui l’a pour jamais séparé d’elle, devient pour un temps l’hôte forcé de cette maison pénitentiaire. Un mot imprudent qui lui échappe, — Pénélope jadis n’avait pas cru devoir lui taire le secret d’Urquhart, — éveille sur le compte du docteur des soupçons que la jalousie et la malveillance se chargent de grossir. La situation de Max est désormais intolérable. Il demande lui-même une enquête, ne soupçonnant pas d’où provient la vague rumeur qui de tous côtés l’assiège et le mine. Un conseil s’assemble. Quelques questions lui sont adressées. A l’une d’elles, il ne peut répondre sans se trahir. Il refuse donc toute explication. Une démission forcée, qui équivaut à une destitution déshonorante, est la conséquence de cet incident imprévu. Des amis dévoués, qui le croient encore, nonobstant son équivoque silence, incapable d’un de ces crimes sur lesquels il faut appeler le châtiment, lui offrent un asile en Amérique; mais cette fois son parti est pris. Il est las de cette impunité, pire pour lui que toutes les rigueurs légales. Il veut se livrer à la justice. Il redemande au père de Dora la promesse trop légèrement donnée qui le lie encore ; puis, sans même attendre qu’on l’ait relevé de ce serment, il provoque lui-même une instruction judiciaire dont il fournit tous les élémens, affirme sa culpabilité, que personne n’aurait pu établir, et se voit condamné par ses juges émus à la moindre des peines inscrites dans le code britannique pour le crime dont il doit compte à la société. Le père de Dora, cité comme témoin, est venu en toute équité proclamer la haute estime que lui inspirent le repentir, la sincérité, la droiture de l’homme qui a tué son fils, qui va lui enlever sa fille chérie, car, on le devine de reste, sa peine subie, Max quittera l’Angleterre, et Dora, devenue sa femme, ne le laissera point partir seul.

L’analyse de ces trois ouvrages suffit, ce nous semble, pour donner l’idée du talent de miss Mulock, et surtout des tendances de ce