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clause qui a notamment donné lieu à de nombreux procès réservait au contractant le droit, dans le cas où la compagnie viendrait à passer avec d’autres expéditeurs un traité qui lui semblerait plus avantageux, d’en revendiquer le bénéfice. Les compagnies prévenaient le moins possible les intéressés de l’existence de pareils actes; d’autres fois, essayant de se dérober à la généralisation de ces traités, elles voulaient avoir le droit d’établir entre les expéditeurs une distinction à raison du domicile, et objectaient de prétendues nécessités de service. Enfin, comme s’il existait vis-à-vis des chemins de fer autre chose que des expéditeurs à l’égard desquels il n’y a aucune exception à établir, les compagnies émettaient la singulière prétention de refuser le bénéfice de certains traités particuliers à une catégorie déterminée de négocians, à des commissionnaires de transports par exemple, sous le prétexte qu’ils n’étaient pas des négocians proprement dits.

Les difficultés innombrables ainsi soulevées par les traités particuliers décidèrent le gouvernement, vers la fin de 1857, à les proscrire définitivement. Quant aux compagnies qui n’étaient point encore régies par le nouveau cahier des charges, le ministre usa purement et simplement du droit de généralisation qu’il s’était réservé. Ce cahier des charges interdit formellement « tout traité particulier qui aurait pour effet d’accorder à un ou plusieurs expéditeurs une réduction sur les tarifs approuvés. » L’autorité judiciaire a naturellement été chargée de régler la transition de l’ancien état de choses au nouveau, quand la liquidation n’a pu s’en faire à l’amiable. Lorsque chaque compagnie a signifié aux expéditeurs qu’à partir du 1er janvier 1858, elle se trouvait dans l’impossibilité de continuer l’exécution des traités dont la durée n’était point encore expirée, quelques-uns de ces expéditeurs ont demandé qu’il leur fût, par mesure de réparation, payé des dommages-intérêts. Les compagnies ont voulu invoquer les dispositions du code Napoléon relatives à la force majeure et aux cas fortuits, mais elles ont échoué devant tous les degrés de juridiction. La clause suspensive qui se trouvait dans l’ancien cahier des charges leur était connue, et elles avaient manqué de prudence en ne la reproduisant pas dans chaque traité. La mise en vigueur de cette clause ne plaçait pas les compagnies dans l’impossibilité de remplir leurs engagemens; mais elle les leur rendait préjudiciables, car ces compagnies n’avaient plus que l’alternative entre la généralisation du traité particulier et le rachat de leur liberté d’action à prix d’argent, lorsqu’elles avaient omis de s’assurer cette liberté.