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tageuse pour lui, qui ne payait plus les taxes afférentes à cette manutention, que pour la compagnie, qui y trouvait le moyen de faire une économie de personnel dans ses gares. Souvent enfin un mode particulier d’emballage des colis remis par l’expéditeur était imposé à celui-ci.

On sait qu’entre gens en procès, c’est à qui abusera des formalités nécessaires de la justice pour dégoûter son adversaire d’aller jusqu’au bout. Avec l’intention évidente d’inspirer aux expéditeurs une terreur salutaire à l’endroit des frais qu’entraînerait le jugement des contestations, et aussi de centraliser les litiges à Paris, où elles ont une administration contentieuse parfaitement organisée, les compagnies de chemins de fer posaient toujours en principe, dans tous les traités particuliers, la compétence du tribunal de commerce de la Seine. Cette attribution de juridiction n’est point admise par l’administration à figurer dans les clauses des tarifs spéciaux.

Enfin la clause dite du minimum de tonnage doit d’autant moins être oubliée qu’il importe d’établir, contrairement aux assertions erronées de ceux qui attaquent les compagnies de chemins de fer, qu’il n’en est plus question depuis longtemps, et qu’elle ne figure jamais dans les tarifs spéciaux. Pour notre part, nous ne comprenons pas qu’une compagnie de chemin de fer ait pu songer à imposer à un expéditeur, comme compensation d’un sacrifice qu’elle lui faisait sur le prix de transport, l’obligation de lui fournir annuellement au moins un poids déterminé de marchandises, alors que l’importance de son commerce ou de son industrie place cet expéditeur, dans l’impossibilité absolue de remplir un semblable engagement. Les partisans de cette condition du minimum de tonnage objectent, il est vrai, qu’elle est passée dans les habitudes des maisons de roulage ; mais quelle parité peut-il exister entre une entreprise privée de transports, cherchant naturellement et légitimement à attirer à elle les cliens les plus importans, et un service public concédé par le pouvoir social dans l’intérêt général, et ne pouvant dès lors classer les intérêts particuliers en catégories déterminées par le chiffre des produits qu’elles doivent lui rapporter? La question a du reste été définitivement tranchée par l’administration, qui a fini par proscrire la condition du minimum annuel de tonnage des traités particuliers, et l’a toujours repoussée des tarifs spéciaux. Le chargement d’un wagon a seul paru une limite assez faible pour pouvoir être facilement atteinte par la très grande majorité des expéditeurs: c’est ce qu’on appelle la condition du wagon complet, et il n’est pas besoin de dire qu’elle n’est exigée que pour des marchandises qui se transportent nécessairement en grandes masses.

Les compagnies ne mettaient pas toujours, il faut le dire, une entière bonne foi dans l’exécution de ces traités particuliers. Une