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ment les somnambules ont besoin de la foi pour être influencés, non que cette foi soit un sauf-conduit que réclame le charlatanisme, mais parce que cette foi est la condition même qui établit une relation plus étroite entre l’imagination et l’organisme.

Cependant, qu’on ne l’oublie pas, le phénomène de la suggestion n’est pas encore un fait suffisamment démontré, et il est de la prudence, avant de se prononcer, d’attendre des expériences plus concluantes. On ne peut encore, dans l’état actuel des connaissances, donner une explication de toutes les circonstances qui accompagnent l’hypnotisme; mais la manière dont il se produit, les phénomènes qu’il détermine, le rattachent à l’ensemble de ces maladies qui ont pour caractère l’exaltation et l’hébétude presque simultanées des sens. C’est un sommeil nerveux provoqué, comme la catalepsie somnambulique, par un vertige, et qui livre la sensibilité aux désordres et aux bizarreries inséparables de toutes les affections névropathiques.

Ainsi ce qu’on pourrait appeler le naturalisme du somnambulisme artificiel et l’efficacité des pratiques employées par les magnétiseurs sont des faits qui ressortent maintenant d’études plus sérieuses et plus critiques. Les phénomènes constatés n’ont rien à faire avec les miracles et la magie. Ils rentrent dans l’ordre régulier, bien qu’accidentel, des choses, car les accidens ont leurs lois comme les faits journaliers. Ils ne dérangent point les notions que l’observation et l’expérimentation nous fournissent, mais ils en agrandissent le champ. Ce n’est pas dans les nuages et les régions plus élevées encore du surnaturel qu’ils nous transportent; ils nous laissent sur le terrain ferme des phénomènes terrestres, le seul où nous sachions nous diriger. Je conviens que ce terrain est parfois monotone et fatigant; il est semé de ronces et de pierres. On est souvent tenté de le quitter pour s’élancer dans l’espace et se livrer au libre essor de l’imagination; mais, cède-t-on à la tentation, on retombe lourdement, comme Simon le Magicien, et la raison s’ébranle dans la chute, si elle ne périt pas tout entière. Les théories psychologiques qu’on a prétendu échafauder sur les spéculations mystico-magnétiques sont des entreprises de ce genre, toujours imprudentes, bien souvent funestes. Le tort des adeptes du magnétisme animal a été de les associer à des observations dont elles compromettaient la valeur.

L’homme, une fois les yeux tournés vers l’infini, qu’il ne peut ni saisir ni comprendre, ne perçoit jamais que ses propres sensations. Il regarde comme dans un miroir grossissant, qui lui renvoie sa propre image. Les hallucinations du songe, de la catalepsie, de l’extase et du somnambulisme sont comme les tables tournantes et parlantes, qui ne répondent que ce qu’on a déjà dans la pensée, dans la crainte ou dans l’espoir. Certainement il existe en nous autre chose