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bois peint en vert ou sur du carreau que touchait son bec, et la ligne blanche était prolongée assez loin sur ce carreau ou ce banc. Au bout de quelques minutes, l’animal, qui avant l’opération se raidissait fortement sur ses pattes et avait les yeux très moitiés, commençait à clignoter les paupières, puis ses muscles se relâchèrent, l’anesthésie et la catalepsie se déclarèrent; le gallinacé ne sentait plus les pincemens et les piqûres d’aiguille. Le réveil fut généralement annoncé par un léger cri de l’animal, qui reprit ses mouvemens et chercha à s’échapper. Cette expérience curieuse avait déjà été décrite, il y a plus de deux siècles, par le père Kircher, sous le nom d’actinobolisme, dans son Ars magna) mais l’explication qu’en propose le savant jésuite est inadmissible. M. Guerry l’a retrouvée également consignée, avec des détails qui ne permettent pas de se méprendre, dans un ouvrage aujourd’hui fort rare, les Deliciœ physico-mathematicœ de Daniel Schwenter, publié en 1636. La chose était aussi connue des bateleurs, qui se la transmettaient comme un secret magique pour endormir à volonté les coqs.

En présence de pareilles expériences plusieurs fois répétées, il n’est plus possible d’admettre un simple effet de l’imagination, il y a quelque chose de plus. Sans doute un véritable vertige se produit par suite de la fixité du regard ébloui, et ce vertige, il y a déjà longtemps qu’on l’avait constaté, et que la superstition s’en était emparée. Dans la première moitié du XVIe siècle, des moines du mont Athos s’imaginaient, après être restés longtemps les yeux tournés vers leur nombril et l’esprit absorbé dans cette contemplation, apercevoir la lumière divine dont Jésus-Christ était environné sur le Thabor. On les appela pour cette raison omphalopsychiques ou ombilicains ; le singulier procédé qu’ils employaient pour apercevoir Dieu avait été déjà préconisé au Xie siècle par un abbé du monastère de Xérocerque à Constantinople, Siméon, dans son Traité spirituel. Il y est fait mention de l’espèce de sommeil ainsi produit et des visions obtenues de la sorte.

C’est donc par la fixité du regard sur un objet de nature à attirer notre attention et à impressionner notre rétine, par l’absorption de la pensée dans cette contemplation, qu’un vertige, suivi de catalepsie, se déclare. Dans l’opinion des physiologistes, cette pratique a pour effet d’amener une hypérémie ou pléthore du cerveau, qui est la source du phénomène. On voit de même l’afflux du sang dans le cerveau, accompagné d’une certaine surexcitation nerveuse, déterminer différens accidens névropathiques. Chez les jeunes filles ou les femmes dont la circulation et les fonctions périodiques ne sont pas convenablement réglées, l’hystérie n’a pas d’autre cause. L’attention excessive amène toujours un peu d’hypérémie cérébrale. Le doc-