Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 25.djvu/697

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son économie intérieure ne semble pas réellement troublée; les battemens du cœur, la respiration, les mouvemens de l’intestin s’exécutent comme dans l’état normal; les muscles seuls deviennent incapables de déplacemens spontanés, et subissent, à la manière des corps inertes, l’impulsion des forces extérieures. La catalepsie peut être plus ou moins complète ; elle reparaît par intermittence, et débute quelquefois sans phénomènes précurseurs. L’intelligence s’engourdit, mais cet engourdissement est fréquemment précédé de rêves pénibles et d’un véritable délire. L’homme peut donc accidentellement tomber dans un sommeil fort analogue à celui qui se produit sous l’influence des procédés usités par les magnétiseurs, et si l’on doit garder des doutes sur la réalité du somnambulisme présenté par quelques sujets de profession, le fait en lui-même n’offre rien du moins qui soit en désaccord avec ce qui s’observe chez certains malades.

Voilà pour le sommeil. Passons à l’insensibilité. Il est constant que des somnambules respirent impunément de l’ammoniaque très concentré, se laissent pincer, chatouiller, piquer et même blesser, sans manifester la moindre douleur et donner le plus léger signe de sensibilité. Un célèbre chirurgien, M. Jules Cloquet, déclare avoir extirpé une tumeur au sein droit d’une femme plongée dans un sommeil magnétique, sans qu’il ait observé chez elle le moindre sentiment de douleur. Depuis, en 1846, les docteurs Loysel et Gibon, de Cherbourg, ont fait l’ablation d’une glande cancéreuse à une femme endormie par un magnétiseur, et qui est demeurée insensible pendant toute l’opération. L’année suivante, un médecin de Poitiers pratiquait une opération également douloureuse sur une somnambule qui ne manifesta pas plus de sensibilité. Ces faits, bien que parfaitement attestés, avaient cependant soulevé quelques doutes; mais depuis la découverte des anesthésiques, ce qui paraissait un miracle est devenu un phénomène journalier. Par l’action toxique, prudemment employée, de l’éther sulfurique, du chloroforme, de l’amylène, on détermine une insensibilité complète, et l’on reproduit maintenant en quelques minutes ce qui excitait, il y a vingt ans, l’étonnement du docteur Cloquet. Dans le sommeil amené par l’inhalation des anesthésiques reparaissent presque les mêmes circonstances que dans la catalepsie. L’insensibilité des somnambules, pas plus que le relâchement de leurs muscles, la perte de leur volonté, n’est donc en contradiction avec la physiologie, et si l’usage des toxiques donne lieu aux phénomènes de la catalepsie et de l’hystérie, pourquoi les mêmes phénomènes nerveux ne seraient-ils pas engendrés par d’autres procédés?

Le sommeil profond et l’insensibilité, points de départ du som-