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sauraient être des faits à part, des manifestations où la nature se contredit elle-même. Dans deux ouvrages publiés il y a maintenant plus de trente ans, il entreprit de rechercher à quel ordre de faits physiologiques et pathologiques se rattachaient les effets étranges qu’il avait observés. Il reconnaissait tout ce qu’il y a de ridicule et d’arbitraire dans la théorie d’un fluide magnétique animal que Mesmer prétendait identifier à ce que l’on appelait jadis fluide électrique, et dont ce rêveur substituait l’intervention aux actions qui résultent du jeu de notre économie. Il trouva dans ce qui avait été rapporté des possédés du démon, et en particulier des religieuses de Loudun, des prophètes protestans des Cévennes, des convulsionnaires de Saint-Médard, et d’autres singularités historiques, la preuve que le somnambulisme artificiel n’est qu’une forme de l’extase cataleptique, affection rare, mais positive, qui se produit de temps à autre épidémiquement. C’est à peu près la thèse que vient de reprendre M. Louis Figuier dans son Histoire du merveilleux. Pour que ce rapprochement fût tout à fait décisif, il eût fallu avoir sous les yeux et observer à nouveau ces curieuses épidémies mentales. Les uns n’y voyaient que de la folie et rattachaient aux troubles intellectuels qui sévissent parfois comme une contagion ce qui semblait au docteur Bertrand une affection spéciale et un désordre particulier; les autres, prévenus par les fraudes et les supercheries qu’ils avaient surprises dans les exercices de somnambulisme auxquels on les avait fait assister, ne cherchaient qu’illusion et charlatanerie dans les possessions, l’enthousiasme des camisards et les convulsions produites au tombeau du diacre Paris. Quelque sérieuses et sincères que fussent les observations de Bertrand, de Georget, et de divers médecins convaincus de la réalité du magnétisme animal, on devait cependant se tenir en garde contre des entraînemens auxquels de grands esprits n’ont souvent pas échappé. Sans parler de Swedenborg, qui associait des connaissances minéralogiques et physiques positives aux idées les plus chimériques et aux illusions les plus incroyables sur les phénomènes de la nature, d’autres savans ont été le jouet de leur propre imagination en présence d’un semblant de merveilleux. Descartes tenait pour chose sérieuse les rêveries des rose-croix, et il voulut s’affilier à leur société. Un célèbre naturaliste allemand, le compagnon du capitaine Cook, George Forster, avoue être lui-même tombé pendant un temps dans toutes les extravagances de l’illuminisme et de l’alchimie. Le fin et spirituel observateur Ramond ne sut pas d’abord se défendre contre les impostures de Cagliostro, et Arago se laissa quelques instans abuser par la vue d’une prétendue fille électrique, Angélique Cottin. Ainsi, sans faire injure aux hommes éminens qui avaient admis la