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térité cette représentation indirecte n’est que transmise par la foi, ce n’est qu’un souvenir emprunté à la tradition. Assurément la notion de Dieu en est plus vive et plus puissante, et ses effets pratiques en sont plus certains, plus étendus, plus faciles; mais il est de l’essence du souvenir, de la tradition, des connaissances fondées sur des événemens historiques, de se prouver autrement que les connaissances qui se dérivent de la nature de l’homme et du monde. Aussi d’un avis unanime, de saint Thomas d’Aquin au révérend Henri Mansel, les deux théologies, celle de la raison pure, celle de la révélation, comportent des preuves différentes, s’adressent différemment aux facultés de notre esprit, et comme l’une suppose l’autre, il faut les admettre toutes deux, et traiter de chacune séparément. Par conséquent il ne faut pas demander à la théodicée philosophique, à celle pour qui Dieu est une pure idée, d’employer et de satisfaire nos facultés représentatives. Ce serait une faute de méthode; une habitude invétérée peut nous porter à la commettre, mais cette faute a engendré bien des idolâtries et des superstitions, et elle est la source de plus d’une erreur moins grossière, mais dangereuse encore, qui altère et obscurcit de très estimables théologies. Cette seule considération suffit pour nous avertir de ne pas souscrire sans restriction à cette pensée de Hamilton qui assimile aux difficultés de la philosophie celles de la théologie. Les faits de la perception et de la conscience ne peuvent donner naissance aux mêmes problèmes que les pures conceptions de la raison.

Néanmoins, si la théologie rationnelle a ses difficultés particulières, elle est possible, puisqu’elle existe. Comment donc la raison, nonobstant toute clameur de scepticisme, s’élève-t-elle irrésistiblement à l’idée de Dieu?

Kant a dit du sublime, dans une phrase sublime elle-même, qu’il éclatait dans le ciel étoilé et la conscience du devoir; mais, sublimes tous deux, l’un et l’autre spectacle peuvent aussi manifester Dieu à la pensée. Si l’on daigne se rappeler ce que nous disions en commençant des deux principales preuves de la Divinité, ne les retrouvera-t-on pas dans la contemplation de la voûte céleste et du beau moral, astre de l’âme? Oui, par un acte de la raison qui n’en est pas même le plus difficile effort, par une conception de l’esprit qui n’est ni contradictoire ni hasardée, nous affirmons ces deux propositions : Dieu est l’auteur du monde. Dieu est le bien. J’ai beau regarder, je ne puis apercevoir par quel côté le criticisme pourrait surprendre à ces deux croyances une difficulté logique invincible. Que l’existence du monde, réduit même à l’ordre actuel, suppose et atteste un auteur, que l’idée du bien dans notre esprit suppose et atteste également un type, une origine, une cause, c’est chose plus facile à établir qu’à contester, et telles sont les deux preuves ou les