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anéantir l’une au profit de l’autre, encore moins dans toutes deux ce qui est savoir pour s’en tenir à l’inspiration, sans nous ôter une des deux parts que nous accorde l’apôtre. L’Écriture comme la philosophie consacre donc les deux sources où les théologiens philosophes cherchent à puiser la vérité, et prémunit les Buchanan et les Thompson contre le découragement où le kantisme mystique de M. Mansel les voudrait plonger.


V.

Le meilleur fruit à retirer de la lecture de son ouvrage comme de tout autre inspiré par la philosophie critique, c’est la résolution de n’adopter sans un sévère examen aucune des vues métaphysiques admises en théodicée ; c’est de ne pas accepter par une confiance excessive dans les traditions de l’école toutes les énonciations sur la Divinité que les hommes ont cherché à jeter, pour le combler, dans le vide de leur ignorance. Aussi rien ne paraît-il plus utile et plus opportun que d’appliquer à cette partie sacrée de la métaphysique les méthodes de vérification qui ont eu de si heureux succès dans d’autres régions de la philosophie, et qui, en limitant peut-être le champ qu’elle parcourt, y ont assuré sa marche et son droit même de propriété. Je ne veux pas avoir tant parlé des autres sans m’exposer moi-même. Pour se permettre autant la critique, il faut savoir l’encourir, et puis, quand il s’agit d’un tel sujet, il y a un air de puérile timidité à parler sans cesse de questions, de problèmes, d’objections, et à se tenir sur la réserve comme si l’on craignait de se commettre en les abordant. Ce n’est pas un de ces points d’extrême théorie qu’on peut laisser à décider à d’autres, en attendant patiemment qu’ils aient pris la peine de le faire pour savoir qu’en penser.

Dieu est une idée, et tant que notre condition ne changera pas, il ne sera qu’une idée, non pas en soi, il est la réalité même, mais pour la raison. Dans les questions philosophiques qui touchent aux existences, nous avons d’ordinaire pour nous instruire la conscience et la perception. Les phénomènes de notre vie intérieure, les opérations et les lois de notre esprit nous sont signifiés par la plus irrésistible des autorités, la conscience, et depuis Descartes il n’est plus guère permis de méconnaître dans la pensée le signe et la preuve de l’existence. La perception, c’est-à-dire ce jugement naturel que nos sensations nous suggèrent touchant leur cause extérieure, nous atteste une réalité indépendante de nous, qu’un pyrrhonisme insensé parvient à contester, non à rendre douteuse. Enfin un rapport constant, un accord au moins suffisant entre les lois des phénomènes et les principes de notre raison nous révèle une harmonie