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Ces exemples indiquent jusqu’à quels détails est arrivé M. Buchanan dans sa revue des doctrines qui lui paraissent mettre en péril la croyance en Dieu. Il va sans dire qu’il en regarde le panthéisme comme l’ennemi le plus direct, et il ne lui ménage pas les coups. Il l’attaque sous toutes ses formes, sans épargner aucune des hypothèses du matérialisme ou du fatalisme. Je suis obligé de dire que parmi les doctrines qui l’inquiètent se classe un certain libéralisme religieux qu’il attribue aux écoles spiritualistes françaises; le caractère de cette doctrine lui paraît être de reconnaître, par voie d’éclectisme, certains principes communs à toutes les croyances tenues pour sacrées, et de faire consister la religion dans un état de l’âme, toujours disposée à embrasser avec plus d’assurance et d’ardeur certaines idées sous la forme d’une révélation que sous celle d’une philosophie. D’une religion subjective, dit-il, le fond serait indifférent.

Quoi qu’il en soit de ce dernier jugement, M. Buchanan, après cette revue qui serait difficilement plus complète, résume tous les caractères et toutes les conséquences de la manifestation naturelle de Dieu. Il est loin de contester qu’à elle seule elle nous impose des devoirs envers l’être souverain qu’elle nous fait connaître; mais elle ne prouve pas qu’elle soit l’unique manifestation de la Divinité, et nous sommes tous nés au sein d’une croyance qui admet une manifestation surnaturelle, une révélation proprement dite, dont les monumens nous environnent. Il nous faut donc accepter la vérité de cette imposante tradition, ou l’expliquer par une autre cause que sa divine origine, et cela serait le sujet d’un nouvel ouvrage. Dès à présent l’auteur remarque les rapports de la manifestation surnaturelle avec la manifestation naturelle. L’une confirme l’autre, elles se répondent, et le christianisme éclaircit les obscurités, remplit les lacunes, satisfait les besoins que la philosophie religieuse avait laissé subsister. Là encore se montre une convenance, une adaptation, une finalité du même genre que celle qui, visible dans le monde, a servi à fonder la théologie naturelle. Ne serait-ce pas le cas d’en tirer les mêmes conséquences pour la religion révélée? Toutefois, et quoique celle-ci seule puisse devenir réellement une religion pratique, M. Buchanan ne voudrait pas qu’on s’attachât exclusivement aux vérités particulières qu’elle enseigne. Malgré tant d’efforts pour mettre à la mode cette étroite manière de penser, la méditation des vérités universelles ne doit pas être abandonnée, et elle profite même à la foi dans l’Evangile.

Cette analyse ne peut donner qu’une imparfaite idée de l’ouvrage de M. Buchanan, dont le mérite est dans les détails. Non que l’auteur ait cherché à relever ses pensées par des effets de style : il écrit avec clarté, avec justesse, avec mesure, et rien de plus; mais son ouvrage vaut surtout à mes yeux par l’exactitude avec laquelle il a