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persistera. M. Dubost combat avec raison l’idée qui a été mise en avant de créer un plus grand nombre de fermes ; on n’a déjà dépensé que trop d’argent dans des constructions improductives, et le nombre des hommes n’est déjà que trop grand pour le produit brut et pour la salubrité. Mieux vaudrait moins d’hommes et plus d’animaux, ou au moins des animaux mieux nourris. La population humaine viendra plus tard, elle doit suivre l’assainissement et non le précéder. Il doit être possible de démontrer, preuves en main, comment une étendue de cent hectares par exemple, qui occupe trois familles de cultivateurs, avec un supplément extraordinaire de bras en été, pourrait n’en occuper que deux sans supplément, et donner à la fois, sans une trop forte émission de capital, une rente plus élevée et un plus grand profit. M. Dubost nous doit cette démonstration, accompagnée d’exemples positifs. Il aura beaucoup fait alors pour la Dombes. Les propriétaires seront encouragés par la perspective de nouveaux bénéfices à dessécher eux-mêmes, et les cultivateurs moins nombreux deviendront moins sensibles aux effets du climat par suite d’un meilleur régime.

Un dernier point mérite enfin d’être éclairci. M. Dubost affirme qu’en Dombes l’hectare de bois rapporte 30 francs de revenu net ; les bouleaux surtout viendraient admirablement et donneraient un bon produit. S’il en est ainsi, les propriétaires auraient un véritable intérêt à planter et à semer des bois ; ce serait fort, heureux, car les arbres sont par tout pays un des plus sûrs moyens de combattre l’insalubrité. Varenne de Fenille recommandait déjà très vivement les plantations en 1790.

Rien n’est plus chimérique que la prétention de passer sans transition d’un état misérable à une condition brillante. On ne défait pas en un jour l’œuvre de trois siècles. La Dombes paraît propre à rivaliser dans un temps donné avec ce que nous avons de mieux, mais elle a beaucoup de chemin à faire pour en arriver là ; ce chemin ne peut se faire que pas à pas. Nos plus riches provinces n’étaient pas, il y a cent ans, dans une condition meilleure : elles ont marché progressivement ; que la Dombes fasse de même. Sans doute il faut moins de temps aujourd’hui pour les progrès agricoles, mais il en faudra toujours, quoi qu’on fasse. Le quart environ du territoire national n’est ni beaucoup plus florissant ni beaucoup plus peuplé, et la plupart de ces contrées en souffrance n’ont ni les trois rivières de la Dombes, ni ses chemins de fer, ni le voisinage de Lyon, ni les secours de l’état pour les travaux publics, ni l’école régionale. Si l’état a d’autres secours à donner, qu’il songe à les répartir suivant les besoins. Il est de mode aujourd’hui de chercher partout des capitaux pour l’agriculture ; ces capitaux n’ont qu’un défaut, ils n’existent pas. C’est à l’agriculture elle-même de les former, comme S elle a déjà formé ceux dont elle dispose. La Dombes ne peut pas être affranchie de cette loi commune.


LEONCE DE LAVERGNE.


V. DE MARS.