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Avant tout, ici comme ailleurs, l’action des intérêts privés. Cette action n’a pas été inerte, même avant la loi de 1856 et en l’absence de tout encouragement exceptionnel. On estimait à 20,000 hectares, en 1790, l’étendue des étangs, qui n’est plus aujourd’hui que de 14,000 ; ils ont reculé de plus d’un quart, et ce premier progrès n’est pas dû aux lois révolutionnaires, il s’est accompli tout entier depuis 1815. En même temps, la durée moyenne de la vie a monté de 20 ans a 28, la population a passé de 18,000 âmes à 25,000, le froment a gagné du terrain sur le seigle, les prairies artificielles ont pris naissance, les fermiers-généraux ont disparu, tout a marché. En admettant que les nouvelles mesures accélèrent le mouvement, on peut espérer que, d’ici à la fin du siècle, la Dombes sera délivrée de ses étangs ; c’est tout ce qui est possible. On ne peut essayer d’aller plus vite sans tout bouleverser.

On sait ce qui est arrivé pour le drainage depuis le fameux prêt des 100 millions. Chacun a espéré drainer son bien aux frais de l’état, et les travaux particuliers ont cessé presque partout ; puis, on s’est aperçu qu’il fallait remplir une foule de formalités pour obtenir l’argent de l’état, et on y a renoncé. Ce qui devait, disait-on, exciter les travaux du drainage n’a servi qu’à les ralentir. Qu’on prenne garde d’en faire autant pour la Dombes. Tout ce qui se fait artificiellement se fait mal. Le principe de l’indemnité, si juste qu’il soit, a lui-même des inconvéniens, s’il n’est pas appliqué avec une grande réserve, car il faut éviter que les propriétaires d’étangs aient intérêt à ne pas dessécher eux-mêmes et à attendre de se faire exproprier. Il n’y a que des considérations d’extrême urgence qui puissent justifier l’application de la loi de 1792, et par suite l’indemnité qui en est la conséquence forcée. Pour être vraiment utile, cette indemnité doit être réduite au strict nécessaire et seulement pour les étangs les plus manifestement dangereux. Rien ne prouve que la Dombes ait intérêt à dessécher tous ses étangs sans exception ; il est au contraire très-probable qu’on aura avantage à en conserver une partie, soit pour relever les eaux dans un intérêt d’irrigation, soit pour alimenter des usines, soit pour tout autre motif, quand la question de salubrité ne sera plus en jeu.

En attendant, une conclusion manque au travail d’ailleurs si remarquable de M. Dubost ; il la réserve sans doute pour la seconde partie. C’est l’indication détaillée de la meilleure marche à suivre par les intérêts privés pour l’amélioration agricole et sociale de la Dombes, en sus du dessèchement des étangs. Il a bien indiqué en termes généraux les principaux vices à corriger dans l’organisation actuelle : les remèdes, selon toute apparence, consistent dans l’adoption d’un système plus pastoral, dans l’achat d’engrais et d’amendemens ; dans l’emploi des machines ; mais ce sujet vaut la peine d’être traité à fond. Tant que les terres arables ne rapporteront que 15 ou 16 francs par hectare, tandis que les étangs rapportent le double, la cause première des étangs